Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 34.djvu/888

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Suivent, au bas de la page, des Instructions pour l’électeur et, au verso, le texte des articles 20, 21, 23, 61, 173 alinéa 7, 215, 220, 221, 222 et 223 du Code électoral (exclusions, suspensions, obligation de vote), avec le tableau de la répartition des électeurs de la ville de Bruxelles dans les différentes sections.


Sur le vu de cette lettre, le président du bureau remet à l’électeur un, deux ou trois bulletins, selon que celui-ci a une, deux ou trois voix, et l’électeur se dirige vers l’ « isoloir. » Ah ! l’isoloir ! terreur de tant de membres du Parlement français ! Que peut-il, ou plutôt que ne peut-il se passer dans « la cabine ! » Et si un farceur y reste dix minutes ! Et s’il s’y enferme ! Mais comment s’y enfermerait-il, si cette cabine n’en est pas une, si elle n’a pas de porte, si elle est ouverte, si ce n’est qu’un paravent à trois feuilles dont deux forment les côtés et la troisième le fond ? Contre la feuille du fond, à hauteur d’appui, une planchette, et sur la planchette, un gros crayon, attaché par une petite chaîne, comme autrefois les couverts d’étain dans les restaurans à clientèle suspecte, ou, sans aller si loin, comme aujourd’hui encore les porte-plume dans certaines administrations publiques. D’un coup de ce gros crayon, l’électeur noircit le point blanc, plie son bulletin ou ses bulletins en quatre, le timbre en dessus, et le dépose ou les dépose dans l’urne, de dimensions bien plus grandes que les nôtres, à cause de la grandeur même du bulletin où toutes les listes sont imprimées côte à côte, et placée sur une seconde table, devant celle où siège le bureau. Pas une seconde, durant son court séjour dans l’isoloir, il n’a été hors de la juridiction du président, qui a la police de la salle, hors des atteintes des électeurs qui suivent, et qui se lasseraient vite d’attendre la fin de la mystification ; il suffit qu’il ait été hors de la vue de tous, seul avec lui-même, affranchi par cette solitude de toute affection et de toute crainte, indépendant de toute sollicitation et de toute pression, parfaitement maître de soi, souverainement libre.


Une heure après-midi. — Le scrutin est clos. On est un peu inquiet, ou plutôt on n’est pas très rassuré « dans les sphères officielles. » Que l’on doive perdre des sièges, c’est ce qui ne fait aucun doute ; mais combien ? et si l’on en perd trop, quelle décision prendra le gouvernement ? Marchera-t-il, même avec