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par le gouvernement anglais des prétentions de l’Australie à une complète indépendance. C’est pourquoi, bien qu’incorrecte au point de vue protocolaire, l’expression de souveraineté se rapproche plus que toute autre de la réalité, pour qualifier les droits exercés par les Australiens dans la conduite de leurs affaires nationales, tant au dehors qu’au dedans.

Cette annulation de l’autorité de la métropole, sur sa soi-disant dépendance, ne rencontre d’analogie que dans la situation de l’Egypte, partie intégrante de l’Empire ottoman. Là s’arrête la ressemblance, car l’Australie n’a pas renoncé à la tutelle effective de l’Angleterre pour en jamais accepter une autre.


I

La société australienne se forme donc et s’organise en pleine liberté. Elle est affranchie des traditions aristocratiques dont l’autorité subsiste en Angleterre, ainsi que des responsabilités immédiates qu’eût créées une déclaration de complète indépendance. L’éloignement du Continent austral et sa configuration insulaire la protègent en toutes directions, et l’isolent en même temps.

On croit volontiers que cette société nouvelle se développe dans un esprit comparable à celui qui a guidé dans sa formation la société des États-Unis d’Amérique. Le point de départ semble le même : l’expansion d’une immigration d’origine britannique dans un vaste territoire neuf, où l’élément indigène, condamné à disparaître, n’apportait aux hommes de race blanche ni assistance efficace, ni entrave sérieuse. Mais deux faits historiques ont, dès les débuts, marqué de profondes différences.

Les premiers pionniers de l’Amérique furent des puritains chassés de leur pays par la persécution religieuse. Ceux de l’Australie ne furent pas, quoiqu’on l’ait prétendu, les convicts déportés par le gouvernement anglais, de 1789 à 1846. Les Australiens sont sensibles à toute allusion à leur tache originelle (birthstain), et ils ont raison. Ils ne sont pas les descendans de ces quelque 30 000 condamnés, ceux-ci ayant laissé fort peu d’enfans, car le nombre des femmes était encore infime en Australie pendant la période de la transportation. Ils sont les fils et les petits-fils des 7 à 800 000 immigrans qui, attirés par la découverte