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nature et les devoirs du Saint-Siège, lui défendent de prendre vis-à-vis d’un gouvernement quelconque une attitude hostile et lui prescrivent d’en éviter jusqu’à la moindre apparence. Ces considérations se rattachent si strictement à la nature du gouvernement pontifical, que le Pape, dans les relations mêmes où il peut se trouver comme prince souverain, ne peut jamais les oublier ni leur préférer un avantage temporel quelconque[1].

Cette lettre, qui marquait à Metternich une fin de non recevoir, emporta pourtant l’adhésion du chancelier. « J’ai retrouvé et reconnu, répondit-il, la touche de Votre Eminence dans la réplique pleine de dignité et de correction que sa Cour vient de faire à notre mémoire[2]. »

Et Metternich, sans doute, aurait moins estimé Consalvi si Consalvi avait autorisé Metternich, parce qu’à certaines heures le cabinet de Vienne avait servi la Curie, à se servir d’elle à son tour et à mettre la diplomatie pontificale à la remorque de la diplomatie apostolique.


VII

À l’issue du Congrès de Vienne, le Pape était redevenu roi et le Pape restait libre ; et si Consalvi n’avait préféré en reporter l’honneur à l’admiration qu’avait le monde pour la personnalité de Pie VII, il aurait pu, personnellement, en tirer quelque orgueil. Il avait trouvé le moyen de traiter avec grandeur des affaires dont l’apparente petitesse était parfois gênante ; entouré de diplomates dont beaucoup ressemblaient à des commerçans, ce prêtre avait maintenu dans toute sa pureté l’honneur diplomatique. Mais on mesurerait mal l’élévation de son rôle, si l’on taisait les heures fécondes durant lesquelles il débattait avec quelques-uns de ses collègues certaines questions d’ordre purement religieux. L’histoire dira, désormais, grâce aux découvertes du P. Rinieri, que le voyage de Consalvi à Londres dans l’été de 1814 et son long séjour au Congrès de Vienne, profitèrent singulièrement à l’émancipation des catholiques d’Angleterre ; que le cardinal avait vu clair dans les luttes qui divisaient les catholiques de Grande-Bretagne ; qu’il avait témoigné aux intransigeans d’Irlande une froideur avisée, et fait acte perspicace en essayant d’attirer le Saint-Siège, comme lord Castlereagh le

  1. Van Duerm, op. cit., p. 264.
  2. Ibid., p. 274.