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nous non plus, et nous attendons avec confiance la nouvelle délibération des évéques. Quelques catholiques leur ont reproché de n’avoir pas fait preuve d’une initiative suffisante dans ces derniers temps. Assurément ils ne sauraient en déployer une trop active, puisque le Saint-Père lui-même les y encourage ; mais les publications récentes sur leurs travaux antérieurs montrent qu’ils ont fait, à la fin de mai, à peu près tout ce qu’ils pouvaient faire. Ils n’ont qu’à persévérer, sans abattement ni faiblesse. A coup sûr, leur rôle est difficile. Le Saint-Père semble croire qu’il pourra par la suite obtenir des pouvoirs publics la modification de la loi. Nous sommes convaincu avec lui que la loi sera modifiée un jour ou l’autre, car il n’y en a pas de perpétuelle ; l’histoire n’en fournit pas d’exemple ; mais l’attente pourra être longue, et qui sait même s’il ne faut pas désirer qu’elle le soit ? La loi, en effet, si elle était modifiée aujourd’hui ou demain, ne serait pas améliorée ; elle serait aggravée.

Que faut-il donc faire ? L’embarras des évéques sera grand. Le Pape ne leur donne aucune direction : il se borne à leur interdire celle que la loi leur ouvrait, et celle qu’ils avaient cru pouvoir ouvrir eux-mêmes. La seule phrase de l’Encyclique où ils puissent trouver une indication d’ailleurs assez vague est celle-ci : « Il vous reste à vous, vénérables frères, de vous mettre à l’œuvre et de prendre tous les moyens que le droit reconnaît à tous les citoyens, pour disposer et organiser le culte religieux. » N’est-ce pas, hélas ! devant une porte fermée et difficile à ouvrir que l’Encyclique place l’épiscopat français ? En parlant du droit commun, elle ne peut viser que le droit écrit : or, en ce qui concerne l’organisation du culte, le droit écrit est tout entier dans la loi de séparation de décembre 1905. Il n’y en a pas d’autre que celui-là. On a dit que l’Encyclique était obscure ; elle l’est, en effet, par endroits, et particulièrement ici ; mais cette obscurité ne vient-elle pas encore de quelque confusion ? Le Saint-Père paraît croire que la loi générale sur les associations, la loi du 1er juillet 1901, pourrait à la rigueur servir à l’organisation du culte. Rien n’est plus douteux : mais à supposer qu’il y ait là une issue, où conduirait-elle ? La loi de 1901 donne moins d’avantages encore, et surtout moins de garanties à l’Église que celle de 1905. Elle ne contient pas d’article 4 qui ne reconnaisse d’autres associations légitimes que celles qui seront conformes aux règles du culte. Elle ne contient pas non plus tant d’autres dispositions qui, en affranchissant l’Église de France de liens séculaires, lui laissent une liberté qu’elle n’a encore jamais eue. Car enfin il faut être juste, même pour la loi