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associations cultuelles à se conformer aux règles générales du culte. Il suffirait que des catholiques quelconques, ou soi-disant tels, s’associassent d’une manière quelconque, pour obtenir que les biens de l’Église leur fussent dévolus. Il n’y a qu’une difficulté, c’est que des associations de ce genre seraient, comme nous l’avons dit, formellement schismatiques, que les catholiques qui les formeraient cesseraient de l’être ipso facto, et que, par conséquent, ce n’est pas le culte catholique qu’ils organiseraient. Mais, en quittant la maison, ils en emporteraient les meubles : c’est le mot de M. Briand au cours de la discussion de la loi.

Nous ne discuterons par tous ces amendemens, propositions et suggestions diverses, probablement destinés à rester en route. Contentons-nous de dire que, s’ils aboutissaient, ce serait, en un sens, pour le Pape un triomphe éclatant : il en résulterait, en effet, avec évidence que son veto aurait suffi pour empêcher l’application de la loi telle qu’elle est. Et peu importe, à ce point de vue, qu’on l’aggravât ou qu’on l’adoucît ! Si on la changeait en quoi que ce fût, comme on ne l’aurait fait qu’à l’intention du Pape, il deviendrait difficile de soutenir plus longtemps qu’il est inexistant aux yeux de l’État, qu’on ne le connaît pas et qu’on ne se soucie en aucune façon de ce qu’il pense, de ce qu’il dit et de ce qu’il fait. On pourrait ici se donner quelque amusement en songeant à cette exorbitante prétention de ne pas connaître le Pape, non plus que la religion dont il est le chef. Nous avons toujours dit qu’on ne la soutiendrait pas longtemps : avions-nous tort ? Le Pape a parlé, et voilà tout notre monde politique en ébullition ! Il a écrit une encylique, et nos ministres n’en reviennent pas ! A supposer que la loi de séparation puisse être appliquée malgré lui, il est clair et certain dès à présent qu’elle ne sera plus la même. Pour un homme qui n’existe pas, il faut convenir que le Pape a en main des moyens d’action qui ne laissent pas de surprendre. Le gouvernement de la République en est tout troublé. Il se demande ce qu’il fera, et ne le sait pas encore : il ne le saura peut-être que lorsque l’obligation de prendre un parti s’imposera à lui d’une manière immédiate et pressante. Et alors quel parti prendra-t-il ?

Fermera-t-il les églises ? Sur ce point, M. Clemenceau a une opinion très ferme, c’est qu’à aucun prix, dans aucun cas, on ne doit les fermer. Ce serait, dit-il, donner aux catholiques l’occasion de se poser en « martyrs ! » Qu’on laisse donc les églises ouvertes et que chacun y entre et en sorte en liberté ! Si, faute d’associations cultuelles pour les recueillir, la propriété en est abandonnée aux communes, ce ne devra