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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 35.djvu/245

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A eux de le dire, puisque le Pape leur en a laissé le soin. Nous souhaitons de tout notre cœur qu’ils trouvent la solution qu’ils cherchent, et pourquoi n’y réussiraient-ils pas ? S’il est vrai que l’État et l’Église constituent des forces également indestructibles, il faudra bien qu’elles s’arrangent pour vivre côte à côte. La seule chose qu’elles ne puissent pas faire, c’est de s’ignorer : elles ne le pourraient du moins que dans un régime de liberté si éloigné de nos mœurs qu’il reste chimérique. En pareil cas, les forces mêmes de la nature travaillent à une conciliation nécessaire. Nous lisions dernièrement ces lignes d’un vieil auteur ; elles sont datées du temps des troubles de la Ligue : « La société des hommes se tient et se coud, à quelque prix que ce soit ; en quelque assiette qu’on les couche, ils s’empilent et se rangent, en se remuant et s’entassant, comme des corps mal unis, qu’on emporte sans ordre trouvent eux-mêmes la façon de se joindre, et de se placer les uns parmi les autres, souvent mieux que l’art ne les eût su disposer. » Cette observation part d’une sagesse tout humaine, un peu méprisante et trop optimiste peut-être : elle nous aide pourtant à espérer.

Il est une sagesse plus haute sur laquelle nous voulons aussi fonder notre espérance. Les uns attaquent l’Encyclique du Saint-Père, les autres la défendent : nous la prenons, elle aussi, comme un fait qui oblige les catholiques et avec lequel tout le monde est obligé de compter dorénavant. Elle est ce qu’elle est, une loi impérative pour ceux à qui elle s’adresse, pour les autres un acte politique d’une exceptionnelle gravité. La soumission qui lui est due et qu’elle rencontre partout ne pourrait que fortifier son auteur dans le sentiment de sa responsabilité, si un pontife tel que Pie X ne la sentait pas déjà tout entière. Dans le conflit dont nous cherchons l’apaisement, les fautes initiales, les fautes lourdes et impardonnables, ont été jusqu’ici du cûté du gouvernement de la République. Si nous avions un vœu à exprimer, ce serait qu’on se montrât aussi sage et conciliant à Rome qu’on l’a été peu à Paris, du moins au début, et qu’on profitât aujourd’hui des dispositions adoucies de gouvernement. Alors le monde entier établirait un parallèle dont le pouvoir pontifical n’aurait qu’à bénéficier. Est-ce là encore une simple espérance, une illusion peut-être ? Il y a dans l’institution religieuse comme dans l’institution sociale une puissance de renouvellement et de vie que ceuxlà seuls méconnaissent dont le regard myope ne s’est jamais étendu au delà des frontières de leur temps. Nos pères ont connu de plus mauvais jours que nous. La guerre que se font depuis tant d’années, avec de courts intervalles de paix, l’État et l’Église ne se termi-