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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 35.djvu/284

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L’ÉVOLUTION DE LA QUESTION D’ORIENT
DEPUIS LE CONGRÈS DE BERLIN
(1875-1906)

L’Europe, meurtrie en Extrême-Orient par les victoires japonaises, aux prises, chez elle, avec l’inconnu des grands bouleversemens sociaux, bercée par les visions toujours séductrices de la paix et de l’amour universels, pourrait-elle, un jour prochain, se trouver face à face avec la réalité toujours redoutable d’une crise de la question d’Orient ? Il serait hasardeux de le prédire, mais plus téméraire encore de le nier.

Les causes spécifiques et locales d’où pourraient surgir, dans la péninsule balkanique ou dans l’Asie turque, de graves perturbations, une rupture d’équilibre capable d’entraîner des complications européennes sortent naturellement, comme d’une source intarissable, du conflit séculaire qui est le fond même de la question d’Orient, entre le Turc régnant et les peuples jadis conquis par lui et aujourd’hui émancipés ou en voie de l’être. L’exemple des États balkaniques, échappés à la domination ottomane, est de nature à encourager et même à susciter le désir de l’indépendance chez les populations encore sujettes ; des peuples que l’on croyait effacés de l’histoire par une longue prescription font leur rentrée sur la scène politique. C’est ainsi qu’il existe actuellement, dans les Balkans, une question macédonienne compliquée d’une question albanaise ; dans la mer Egée, une question crétoise ; en Asie, une question arménienne ; le mouvement commence à s’étendre jusque chez les peuples musulmans :