essayées jusqu’ici. Pour la Russie et même pour l’Autriche-Hongrie, l’Empire ottoman était un obstacle à une marche vers la mer Egée ou le golfe Persique ; entre les mains de l’Angleterre, il était une barrière dressée entre les routes de l’Inde et la poussée moscovite. Pour l’Allemagne, qui ne confine pas à ses frontières, il est l’allié nécessaire, le collaborateur sans lequel elle ne saurait ni acquérir ni garder les débouchés commerciaux de l’Orient et les routes de l’Asie. Pour l’Angleterre et la Russie, il était « un moyen ; » pour l’Allemagne, il est un but ; c’est lui-même qui est, pour l’expansion allemande, le champ d’expérience dont elle manquait : l’intérêt certain, durable, de l’Allemagne est donc de conserver et d’accroître la puissance turque et de se servir d’elle pour étendre la sienne propre dans tout le domaine de l’Islam. Galvaniser « l’homme malade, » fortifier son armée pour s’en faire une auxiliaire dans ses desseins politiques, c’est l’intérêt allemand et c’est la politique de l’Empereur. Ainsi subsiste l’Empire ottoman, en dépit de tant de prédictions, plus solide peut-être qu’il ne l’avait été depuis longtemps, en tous cas, plus musulman, plus turc.
Il est parfois périlleux, pour un malade qui a des héritiers, de paraître reprendre vigueur et santé. L’homme malade turc, assisté du médecin allemand, inquiète la Grande-Bretagne. Le rôle qu’elle a tenu en 1878, a passé à l’Allemagne : politique d’intégrité, politique panislamique, elle a tout pris et c’est son influence dans les Balkans et en Asie qui alarme aujourd’hui la puissance qui a besoin des routes de l’Inde et qui jouit de l’usufruit de l’Egypte. La formule de « l’intégrité de l’Empire ottoman, » dont la politique franco-russe n’a pas eu le temps de faire valoir tout le contenu, est maintenant passée dans le jeu de l’Allemagne, qui paraît disposée à s’en servir. Pour parer à ce péril, le seul qui menace aujourd’hui son hégémonie mondiale, l’Angleterre pourrait être tentée de hâter la désagrégation de l’Empire ottoman. Par quels moyens, nous l’avons laissé pressentir dans un précédent article sur le conflit anglo-turc, et nous n’y reviendrons pas. La Grande-Bretagne, depuis que, par l’épée du Japon et le concours de l’action révolutionnaire, elle a mis momentanément hors de combat son vieil adversaire russe, n’a plus besoin de l’écran turc pour arrêter la descente cosaque vers les Dardanelles ou le golfe Persique ; elle serait tentée plutôt de rechercher l’amitié du Tsar pour contre-balancer à Constantinople,