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« vous m’avez abandonnée dans les gémissemens. Forêts épaisses, prés toujours verts, dites-moi si mon amant a passé par vos campagnes[1] ; » et quand elle l’a trouvé, c’est un mariage éternel qu’elle lui demande. De même, Catherine de Ricci, après avoir longtemps appelé l’époux divin de ses vœux, le voit venir à elle et lui dire : « Ma fille, reçois cet anneau comme un gage, et un témoignage que tu es à moi et seras toujours mienne[2]. » Et le biographe ajoute qu’il ne la quitta qu’après lui avoir fait goûter quelques-unes de ces joies pures de l’esprit qu’il réserve à ses épouses bien-aimées.

Jeanne-Marie de la Croix, après avoir appelé Jésus avec toute la tendresse de son cœur, après lui avoir consacré son âme et son corps de vierge, s’entend dire par la voix de l’Epoux : « Tu es pauvre et cependant je t’aime tendrement, et je suis venu avec joie te visiter. N’es-tu pas ma fiancée chérie, ne m’as-tu pas offert ta couronne de virginité[3] ? » Une autre fois, pénétrée d’enthousiasme, elle s’écrie : « Je l’ai trouvé, je l’ai trouvé, celui que mon cœur aime. Je veux le garder et ne jamais plus le lâcher. mon doux amour, ô mon divin époux, que vous êtes beau, que vous êtes gracieux[4] ! « Et quand elle veut exprimer sa joie : « Mon âme, » dit-elle, « nageait dans un océan de délices, portée dans les bras de son céleste époux. Dans ce sentiment d’union avec Dieu, je me sentais purifiée, comme l’or dans la fournaise, par la flamme du divin amour[5]. »

Dans le même style, sainte Angèle de Foligno parle de ses langueurs amoureuses, de ses crucifiemens d’amour, tandis que Marie de l’Incarnation tend continuellement vers l’amant céleste « ses bras intérieurs[6]. »

Tel est le langage amoureux de la plupart des mystiques chrétiens, et quelques-uns d’entre eux, plus précis que les précédens, paraissent s’en être servis pour exprimer, non seulement des sentimens, mais de véritables sensation » et de véritables désirs.

Saint François de Sales, par exemple, dans son Traité de

  1. Vie de sainte Catherine de Sienne, par Chavin de Malan, p. 50-51.
  2. Vie de sainte Catherine de Ricci, par Hyacinthe Bayonne, t. I, p. 170.
  3. Vie de Jeanne-Marie de la Croix, par Weber, p. 253 de la traduction française.
  4. Ibid., p. 258.
  5. Ibid., par Weber, p. 66 de la traduction française.
  6. Vie de Marie de l’Incarnation, par l’abbé Chapot, I, 91-93.