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Ceux qui demandent sont l’exception, les industries dont nous parlons ici étant de celles qui payent bien leurs ouvriers ; la plupart, d’ailleurs, ont leurs demeures hors des murs, à Levallois. Cependant, il existe quelques pauvres, notamment à la villa Saint-Joseph, près de la Porte-Maillot et rue Guillaume-Tell, pas très loin de la place Pereire.

La plaine Monceau est essentiellement un lieu d’habitation. L’ancienne population de petite bourgeoisie a complètement disparu. Elle a laissé la place aux ingénieurs, financiers, gens de lettres et artistes qui habitent tous ces immeubles, d’un luxe de fantaisie, quand il s’agit d’hôtels particuliers ou édifiés sur les plans d’architectes à la mode, quand les maisons sont du domaine d’une société immobilière. On ne voit partout que pierres blanches, glaces transparentes, balcons et fers forgés. Le nom même des rues est ici symptomatique. C’est un souvenir donné à Meissonier, à de Neuville, à Puvis de Chavannes, à Gustave Doré, à Gounod, et à tant d’autres qui ont répandu dans le monde le goût français. Il n’est pas de quartier qui contienne autant de belles places : Pereire, Wagram, Malesherbes, à deux pas du parc Monceau. La misère n’y loge pas.

Il n’en est pas de même aux Batignolles. Il y a bien quelques rues neuves, mais l’ensemble est étroit et sent le vieux. Les gens que nous y voyons maintenant sont de petits bourgeois, tenant boutique ou vivant de leur emploi dans Paris. Beaucoup de femmes sont ouvrières, modistes ou couturières, travaillant chez elles ou dans les grands ateliers du centre. Enfin, une part notable de la population se compose de petits rentiers. Tous ces traits rappellent un peu Passy. Mais l’aisance est moins large. Au lieu de pavillons fleuris, ce sont d’étroits logemens. Les maisons sont hautes, les rues peu larges, le petit commerce étendu, la population dense ou très dense. C’est dans la maison des païens, ou à proximité, que les enfans s’installent. Il y a un passé, des souvenirs ; c’est une ville à part.

Aux Batignolles, plus de 6 000 personnes logent à l’hôtel, soit le neuvième de la population. Il faudrait aller à la Sorbonne pour constater une proportion plus élevée. La clientèle de ces garnis est très variée et mélangée. Mais tout ce monde trouble peu le calme du quartier ; c’est ailleurs qu’il s’agite. Ceux qu’il faut aider sont assez nombreux. Pour la plupart, ce sont des vieux qui reçoivent un secours mensuel du bureau de bienfaisance ;