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aurait pas d’associations cultuelles ? M. le ministre des Cultes affecte donc une tranquillité d’esprit, que nous croirions, toutefois, plus sincère s’il parlait un peu moins. Il semble par momens vouloir s’étourdir du bruit de ses paroles, tant il les multiplie. Peut-être aussi veut-il en étourdir les autres. Quoi qu’il en soit, les journaux ont été remplis de ses conversations avec une abondance telle, qu’on ne peut pas l’attribuer seulement à l’empressement curieux que les journalistes ont mis à l’interroger, quelque grand qu’il ait pu être, et qu’il faut bien y reconnaître aussi chez le ministre le désir très vif de s’expliquer publiquement. M. Briand est d’‘ailleurs plein d’optimisme. Rien, dans tout ce qui vient de se passer, n’a ébranlé sa confiance dans une heureuse solution. Il est convaincu qu’on s’entendra. Aucun évêque, à la vérité, n’est encore venu lui rendre visite, mais il leur fait savoir par toutes les voix de la presse qu’il les attend dans son cabinet, prêt à causer avec eux et à leur fournir toutes les explications dont ils auraient besoin. Pour les tenter davantage, il fait de loin luire et miroiter à leurs yeux ces « biens de l’Église » dont il ne demande qu’à les faire bénéficier. Il en grossit même la valeur, en capital et en intérêts. On admettait généralement qu’elle s’élevait à 200 millions. C’est 300, d’après M. Briand, c’est-à-dire, toujours d’après lui, 12 millions de revenus ! Que ce soit un peu plus ou un peu moins, il s’agit certainement d’une somme considérable. « Je ne vois pas le clergé français s’en priver, » déclare ironiquement le ministre. Nous ne sommes pas aussi affirmatif que lui. Le clergé français a tout l’air, — et nous le déplorons, — de faire le sacrifice de ces biens des fabriques qui devraient légitimement lui revenir et qu’on est évidemment désireux de lui donner. Mais on veut les lui donner d’une certaine façon, et il ne veut les recevoir que d’une autre.

Tout s’arrangera, répète M. le ministre des Cultes. Mais comment ? C’est ici que M. Briand nous semble se faire des illusions. Il faut toujours en revenir aux associations cultuelles puisque, dans le système de la loi, s’il n’y en a pas, le 11 décembre, les biens des fabriques devront être mis immédiatement sous séquestre et désaffectés dans un délai assez bref. — Il n’y en aura pas, disent le Pape et les évêques ! — Il y en aura ! dit M. Briand, — M. Briand a, en effet, expliqué dans la plus importante des interviews auxquelles il s’est abandonné que, si les encycliques pontificales ont interdit aux évêques et aux curés de former des associations, les fidèles restent libres d’en prendre l’initiative. Nous avouons ne pas comprendre comment les interdictions pontificales s’adresseraient au clergé et non pas aux