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promettre à la fois ? La Douma l’a fait, et nous ne sommes pas de ceux qui le lui ont le plus amèrement reproché, parce qu’une assemblée est en quelque sorte condamnée à un certain nombre de manifestations. Mais les obligations d’un gouvernement, qui a en main le pouvoir exécutif, ne sont pas les mêmes : elles sont plus étroites et plus précises. Le programme de M. Stolypine en remplit quelques-unes parmi les principales. Pourquoi donc a-t-il été accueilli avec scepticisme, et même avec un peu d’impatience et d’irritation ? Ne serait-ce point parce que la Russie ne croit déjà plus aux programmes et aux promesses qu’ils contiennent, et qu’elle voit dans la bureaucratie, à l’image de laquelle le gouvernement est fait, un obstacle insurmontable à leur réalisation ?

Nous avons signalé, avec tout le monde d’ailleurs, la faute qu’on a commise en mettant en face de la Douma un ministère de bureaucrates, et même de bureaucrates de second ordre. La dissolution de l’assemblée a été une seconde défaite. Après l’avoir commise, on aurait peut-être pu en atténuer les conséquences immédiates en composant un ministère qui aurait été formé, dans une proportion appréciable, d’élémens représentatifs. On sait que telle a été la première intention de M. Stolypine ; mais, finalement, il n’y a pas donné suite, soit qu’il ait dû céder à des influences qui l’en ont détourné, soit, ce qui est plus probable, qu’il ait trouvé, chez les parlementaires de la veille, les octobristes dont il sollicitait le concours, des exigences qu’il a jugées excessives et inacceptables. L’étaient-elles ? Nous l’ignorons. En tout cas, l’isolement, l’abandon où est tombé M. Stolypine, la nécessité qu’il a subie de se contenter une fois de plus des ressources et des lumières de la bureaucratie, l’éloignement du pouvoir où ont été maintenus les anciens représentans du pays dans la Douma ou même dans les assemblées locales, toutes ces causes diverses agissant de concert ont amoindri les effets qu’on pouvait raisonnablement attendre de la bonne volonté du premier ministre, et de sa probité morale et politique à laquelle on rend généralement hommage. Quel qu’en soit le résultat, il restera de son entreprise un souvenir honorable pour lui ; mais il est à craindre que les causes que nous venons d’indiquer, et auxquelles il aurait été sans doute possible d’échapper en partie, ne permettent pas à un effort aussi considérable que le sien d’avoir toute l’efficacité qu’il aurait méritée.

Il n’en faut pas moins désirer que le ministère actuel dure assez pour atteindre au moins quelques-uns des résultats qu’il poursuit. M. Stolypine, nous le disons à son honneur, ne s’est pas laissé dé-