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Les partisans de l’« étatisme » en France, malgré leur intention de réaliser des expériences analogues, n’ont pas encore jugé opportun de nous entretenir des affaires du monde austral. Cette discrétion, à première vue surprenante, est on ne peut plus légitime. Pour en indiquer les motifs, il suffira de montrer en quoi nos réformateurs se distinguent des socialistes australiens, et nous aurons en même temps mis en évidence un des côtés les plus intéressans du caractère de ceux-ci.

De part et d’autre, l’objectif est le même, à savoir la suppression progressive de la propriété privée ; mais la mentalité est toute différente. Les socialistes français se détachent de l’idée de patrie ; les modérés du parti l’acceptent encore, d’assez mauvaise grâce, les avancés la renient. En Australie, le sentiment du patriotisme est puissant et universel. On le trouve impérialiste chez les uns, strictement local chez les autres ; mais, qu’il soit de race ou de clocher, c’est un patriotisme ardent, méfiant, intransigeant jusqu’à l’exclusivisme, vibrant jusqu’à la gasconnade.

Le même contraste, aussi vif, se remarque en ce qui touche aux sentimens religieux. Les manifestations hostiles de nos socialistes contre ce qu’ils considèrent comme une aberration des esprits et des consciences, remplissent l’histoire contemporaine de la France. Dans le Commonwealth australien, et en Nouvelle-Zélande, les questions religieuses, en y comprenant celles que nous appelons cléricales, préoccupent médiocrement les hommes politiques, et c’est peut-être dans les groupes les plus actifs du parti ouvrier qu’on y prête le moins d’attention. Les Églises, parmi lesquelles l’Eglise catholique tient une place fort importante, ne vivent pas en parfaite intelligence les unes avec les autres. L’État n’en accorde pas moins à tous les cultes, avec la liberté complète, une protection efficace, impartiale et déférente. Des catholiques ultras, des presbytériens ardens, des libres penseurs déclarés, des israélites pratiquans, se rencontrent dans la vie publique, se classent dans tous les partis, sans qu’il soit tenu compte de leurs opinions religieuses. Nous avons entendu, en décembre 1904, M. J. G. Watson, chef du labour party au Parlement fédéral, prononcer un discours en faveur du socialisme chrétien. Ses déclarations ne lui firent aucun tort dans l’esprit de ses partisans. Il est resté le leader des socialistes.

Une troisième dissemblance est encore à signaler. Le respect