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on pouvait contester ces assertions. Les syndicats ouvriers étaient déjà fortement établis dans les six colonies australiennes (Nouvelle-Galles du Sud, Victoria, Queensland, Australie Méridionale, Australie Occidentale et Tasmanie) et leurs mandataires occupaient quelques sièges dans les Parlemens locaux. Mais, en l’absence d’un gouvernement central, ces groupes, dissémines sur un très vaste territoire, ne pouvaient assurer un but précis à la concentration de leurs efforts. Les rivalités de colonie à colonie, non moins que les distances considérables qui séparent leurs capitales, rendaient en outre une entente commune très difficile. Aussi, l’influence de ces syndicats se bornait-elle à arracher aux modestes budgets coloniaux quelques bribes, sous forme d’assistance aux unemployed, à réclamer des concessions sur les salaires et les heures de travail, préparer ou conduire des grèves, et pousser les candidatures de leurs amis dans les assemblées ou l’administration.

La Fédération menaçait de troubler ce sport politique dont les Unions avaient déjà retiré de substantiels profits ; et il ne dépendait que du labour party de la faire échouer. Mais pressentant les avantages qui résulteraient pour lui de l’existence d’un gouvernement central, s’il parvenait à en devenir l’inspirateur, il ne s’opposa pas au mouvement d’où naquit le Commonwealth. L’autorité des Parlemens provinciaux allait décroître, et sans doute de plus en plus, au profit de celle du Parlement fédéral. Il fallait donc se mettre en mesure de jouer un rôle dans celui-ci. Sans négliger l’action directe auprès des gouvernemens des États qui conservaient, dans le régime nouveau, d’importantes attributions, le labour party entra résolument en campagne.

Les circonstances le favorisèrent. Le premier ministère fédéral présentait un groupe d’hommes compétens et connus (car il était formé en majorité des premiers ministres en fonctions dans les États fédérés), mais peu homogène. Le président du Conseil, M. Edm. Barton (depuis sir), était une personnalité sympathique qui, malgré son expérience des affaires, sa prudence et sa dextérité, ne jouissait pas cependant d’un prestige considérable. On ne lui accordait ni les hautes vues générales, ni l’énergie, ni l’esprit de suite et de méthode que réclamaient les circonstances. Il devait sa situation à l’intégrité de son caractère, au concours des événemens et surtout à l’activité des ennemis politiques de