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n’apporte point de soulagement à la misère publique, elle retarde plutôt qu’elle n’avance la fin de la crise, mais n’est pas responsable du mauvais état des affaires.

Depuis 1903, quatre excellentes années se sont succédé en Australie. Les industries pastorales et agricoles ont retrouvé leur ancienne prospérité. En 1902-1903, il avait fallu importer 5 millions d’hectolitres de blé pour compenser l’insuffisance de la récolte ; en 1905-1906, on avait un excédent de 14 millions d’hectolitres, le nombre des moutons s’était accru de 22 millions, et l’exportation des laines relevée presque au niveau des bonnes années d’autrefois.

L’activité et les progrès du mouvement socialiste se sont développés, puis ralentis, sous l’influence de ces changemens économiques dont les phénomènes météorologiques étaient les causes dominantes. Pour la période actuelle, le ralentissement est sensible. On n’a encore touché que d’une main discrète aux lois restrictives dont il a été question plus haut, mais on y a touché. L’opinion publique s’est prononcée en faveur d’une reprise de l’immigration, et le gouvernement a cédé à cette pression. L’exclusion des hommes de couleur reste à la mode autant que par le passé : cependant, on fait des concessions aux Japonais, et on commence à se demander si la présence de travailleurs agricoles du midi de l’Europe ne serait pas utile dans un pays dont le climat moyen est analogue à celui de l’Italie péninsulaire.

Le labour party, aux élections des Parlemens des Etats, notamment en Australie occidentale, en Queensland, dans la Nouvelle-Galles du Sud, a subi de sérieuses défaites. Enfin, sa belle et rigide discipline paraît faiblir, et on parle d’une scission pouvant compromettre son succès aux prochaines élections générales du Commonwealth.

Aussi, le gouvernement fédéral, sous la direction ondoyante, mais avisée, de M. Deakin, paraît-il s’intéresser davantage aux affaires sérieuses et se permettre, à l’égard du labour party, des libertés d’appréciation que celui-ci n’eût pas tolérées au temps de sa toute-puissance. Le bon sens de la population a sans doute une part dans cette apparence d’orientation nouvelle ; mais la véritable cause n’en est autre que la pluie, la bonne et copieuse soaking rain que tout Australien voit tomber avec joie, et qui depuis quatre ans, aux saisons de printemps et d’automne, s’est généreusement répandue sur le sol altéré du pays.