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voter la loi de 1889, dirigée surtout contre les caisses Raiffeisen ; mais celles-ci respectèrent la loi en la tournant un peu, à l’exemple de certain notaire du théâtre d’Emile Augier. Ainsi elle prescrivait l’émission de parts sociales, mais sans fixer le minimum de chaque action ; les Darlehenskassen ont réduit ces parts à un chiffre tellement infime que les choses n’ont point changé en fait[1]. D’ailleurs la loi de 1889 qui autorise la formation des sociétés anonymes à responsabilité limitée, conserve la société à responsabilité illimitée que Schultze-Delitsch ne cessa de préconiser : « Rejeter celle-ci, disait-il, serait imiter un homme qui préférerait un couteau sans tranchant à une lame bien aiguisée, de peur de se couper les doigts. » Aucune caisse de la Fédération de Neuwied n’a fait faillite ; aucune n’a dû recourir au droit de dénonciation à quatre semaines ; aucune panique ne s’est produite. Quelle réponse aux accusations lancées contre le système de Raiffeisen !

En Alsace-Lorraine, on comptait, en 1902, 421 caisses succursales du type Raiffeisen (402 en 1901), et voici leur situation économique. Recettes 43 585 031 ; dépenses, 12 711 773 ; bénéfices, 164 816 ; capital constitué et réserve, 1 220 000 ; placemens d’épargne dans les caisses, 37 millions et demi de francs ; emprunts, 26 327 500 francs ; dépôts en comptes courans, 101 millions de francs ; nombre des sociétaires40500. L’association des caisses rurales d’Alsace-Lorraine a constitué avec succès des syndicats pour l’achat, la vente des céréales, vins, houblons.


II. — LE CRÉDIT AGRICOLE EN ITALIE : BANQUES POPULAIRES, CHAIRES AMBULANTES, CAISSES D’ÉPARGNE

Un spectacle non moins curieux nous attend en Italie où, grâce à M. Luzzatti, les banques populaires de crédit mutuel ont rendu les plus grands services et libéré l’agriculture de ce pays : l’usure[2], l’hypothèque, des impôts formidables, le latifondisme, l’absentéisme, tantôt un morcellement excessif, tantôt d’immenses domaines administrés à merveille en Lombardie, mais

  1. D’après M. Blondel, il y avait, en 1897, 9 938 associations allemandes de crédit ; 3 005 du type Schultze-Delitsch ; 2 447 de l’Union d’Offenbach ; 2 245 du type Raiffeisen ; 2 241 associations dissidentes.
  2. Dans la province de Modène, l’usure montait à 1 000 pour 100 ; le prêteur exigeait un franc par semaine pour un prêt de cinq francs, ou bien achetait d’avance la récolte à des prix dérisoires.