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Les amis du gouvernement reprochent aux créateurs des caisses libres autonomes, qui se dérobent à toute ingérence administrative, de faire de la politique confessionnelle ; et ils n’ont pas toujours tort. Les défenseurs de la liberté, du self help, accusent les partisans du pouvoir de faire servir les avances au triomphe de leur politique électorale, à ce qu’un rural de mon pays appelle : la politique du coucou ; ils citent des faits à l’appui de leurs dires, ils rappellent aussi que le paiement des avances a subi de grands et singuliers retards. Chaque parti affirme bien haut : « Je ne fais pas de politique, mais je ne veux pas qu’on en fasse ici. » Certes, la neutralité absolue serait l’idéal, mais par cela même elle semble un peu chimérique. Un croyant, un sceptique, un radical, un modéré, peuvent-ils, lors même qu’ils se cantonnent sur le terrain agricole, faire abstraction complète de leurs convictions, établir entre celles-ci et les affaires une cloison entièrement étanche ? Ce même homme qui aujourd’hui, à trois heures de l’après-midi, s’occupe de son syndicat, d’une caisse rurale, redeviendra peut-être politicien à six heures, et combattra ceux qu’il a approuvés quelques instans avant. Lui demander de ne jamais s’embrouiller dans ses rôles divers, d’échapper pendant dix ans, vingt ans, à la tentation de transporter ici l’influence acquise là-bas, c’est trop attendre de l’humanité moyenne, et même de l’humanité d’élite. Ce qu’on peut tenter, c’est de rendre de plus en plus difficiles les abus, en surveillant la pratique de la liberté, et surtout l’action de l’Etat qui est toujours excessive en France, qui a diminué peut-être en certains cas, mais qui, tout compte fait, a progressé par l’application des principes de la vraie et de la fausse démocratie, — car le régime du tout à l’État a les sources les plus opposées. Je ne sais quel philosophe du XVIIIe siècle concluait : « Elargissez Dieu ! » Souhaitons qu’on élargisse aussi la vie provinciale, la décentralisation. C’est d’ailleurs une grande chose d’avoir attiré l’attention des parlement sur les classes rurales, et il convient de reconnaître que tous les partis s’occupent sincèrement d’améliorer leur situation, que, depuis vingt-cinq ans d’excellentes fois ont été votées, qu’on s’est efforcé, parfois avec plus de zèle que de prévoyance, de rendre à l’agriculture son prestige, le sentiment de sa puissance, de sa haute mission, de la noblesse du travail des champs. C’est en effet le problème des problèmes ; notre société a l’air d’être entraînée à une vitesse vertigineuse, et il importe d’empêcher que le paysan n’achève