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avaient rendu l’existence intolérable. Le succès récompensa ce bon exemple ; sans être toujours parfaite, la paix fut suffisante pour que le Palatinat se repeuplât rapidement. C’était le principal.

Le l’établissement des finances était aussi une affaire urgente. Charles-Louis eut le mérite, très grand chez un prince sans le sol, de comprendre que le meilleur moyen de s’enrichir était de demander le moins d’argent possible à un peuple aussi parfaitement ruiné. Il mit des impôts très légers et s’arrangea pour se passer de revenus. L’Électeur palatin vendit son gibier, fit raccommoder ses vieux souliers, comme Corneille, veilla au beurre et à la chandelle, et paya trois florins la dédicace d’un poète. Il était tellement à court d’argent, qu’en 1652, ayant à faire un voyage indispensable, il fut obligé de demander à quelques-unes de ses villes de lui avancer 50 florins sur leurs impôts. Charles-Louis ne laissait pas de tenir son rang avec honneur dans les occasions importantes ; pour rencontrer l’Empereur, ou pour se rendre au Reichstag, il avait sa cour et son train. Rentré chez lui, il se hâtait de congédier les bouches inutiles et de revenir à la bienfaisante parcimonie qui permettait aux vieux habitans de réparer leurs maisons, aux nouveaux venus de s’en bâtir de neuves. Sa persévérance et son dévouement portèrent leurs fruits ; il releva le Palatinat en moins de dix ans.

Il avait pourtant fait la dépense de se marier, et avec une princesse qui ne goûtait ni la vie simple, ni l’économie. Ce fut une sotte affaire pour tous les deux. Charlotte de Hesse-Cassel, qui devint Électrice palatine le 12 février 1650, était une belle amazone aimant le monde et les plaisirs. Elle avait la tête près du bonnet, battait ses gens et faisait des scènes à son mari. Charles-Louis, de son côté, était jaloux et autoritaire ; il n’approuvait ni le cheval ni la chasse pour les femmes ; ni la coquetterie, même innocente ; et il entendait être obéi, quitte à rendre scène pour scène. L’une de ses sœurs, la chère tante Sophie des lettres de Madame, vit les nouveaux mariés peu de temps après les noces, et fut frappée de la singulière lune de miel de ces deux originaux.

La princesse Sophie était intimement liée avec son frère et se proposait d’habiter chez lui. Ses Mémoires racontent gaiement son arrivée chez « M. l’Électeur et Mme l’Électrice. » Un gouverneur de ville frontière avait envoyé au-devant d’elle un