Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 35.djvu/797

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Toutes les bienséances étaient également méprisées à la cour de Hanovre. À peine arrivée, la nouvelle duchesse avait profité de l’exemple que lui donnait son mari pour faire son courrier à l’église, pendant le service. Ils ne croyaient à rien ni l’un ni l’autre ; mais la présence au culte était une question d’étiquette, et l’on s’arrangeait pour s’ennuyer le moins possible. Dans les bons jours, on écrivait ses lettres ; dans les mauvais, on avait recours à des occupations moins tranquilles. Le 21 juillet 1660, la duchesse Sophie dut renoncer à finir sa correspondance à cause du tapage : « Nous sommes à l’église, où monsieur mon mari fait tant de bruit à lire une comédie, que je ne saurais (en) dire davantage… » Il serait curieux de savoir ce que pensaient les fidèles, parmi lesquels étaient gens de grande piété, de ces Altesses libertines qui venaient à l’église soi-disant pour les édifier.

Liselotte avait justement grand besoin de prendre des leçons de tenue. Elle ne gardait pas assez son « quant-à-moi[1]. » Sa tante en convenait, quoique très portée à l’admirer en tout : « Liselotte a autant d’esprit qu’une personne de vingt ans en pourrait avoir, et se peut gouverner si joliment que c’est une merveille ; mais il lui en faut faire souvenir à tout moment, autrement, gare le fouet ; car enfin, elle est jeune. » La duchesse Sophie préconisait pour elle les voyages : « Ma chère Liselotte… verrait un peu le monde et comme il faut vivre en princesse. » Toutefois un premier essai, une visite à La Haye chez la grand’mère aux singes et aux chiens, avait abouti à une déception : « Il n’y a personne ici qui ait (le) sens commun pour la conversation ; on ne doit pas choisir ce climat pour aiguiser son esprit, mais bien pour ajuster un peu le corps, à quoi on s’entend plus qu’en Allemagne, et pour apprendre la propreté des meubles et du ménage. »

Un second voyage, dont le but final était de revoir Heidelberg, « ce Parnasse où le savoir et la raison fleurissent, » avait aussi laissé des souvenirs mélangés à la duchesse. Elle s’était retrouvée chez son frère entre l’Électrice Charlotte et Mlle de Degenfeld, et n’y avait pas pris plus de plaisir qu’autrefois : « Je donnais la visite à l’une, rapportent ses Mémoires, et

  1. Pour ce qui suit, cf. les lettres des 24 août 1659, 28 mars 1663 (datée par erreur de 1660), 24 juillet 1660, 2 février 1660 et 23 février 1660, à l’Électeur Charles-Louis.