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Le commerce de Marseille a été surtout, durant une longue période de notre histoire, un commerce de comptoirs qui ne cherchait pas à s’enfoncer dans l’intérieur des terres et se contentait de servir d’intermédiaire entre les pays exotiques et la mère patrie : ce genre de trafic était d’ailleurs le seul possible en un temps où la pénétration européenne n’était pas commencée et où, dans la Méditerranée par exemple, les États musulmans occupaient toutes les côtes. Cependant, à mesure que la colonisation européenne envahissait le globe et que le commerce anglais, puis le commerce allemand et le commerce américain, prenaient le développement que l’on sait, Marseille risquait, en restant fidèle aux erremens traditionnels de ses négocians, de subir une irrémédiable décadence ; mais le Marseillais est comme Ulysse, artificieux et plein de ressources ; il a su modifier à temps ses méthodes de travail et d’activité ; pour rester une grande place d’importation et d’exportation, il est devenu un grand centre de production et de manutention ; non content de fournir les matières premières aux industries de la France centrale, il s’est fait industriel lui-même et il a choisi précisément ses industries parmi celles dont les colonies, où il avait l’habitude de trafiquer, pouvaient lui fournir les matières premières. Cette évolution du négoce marseillais est un des grands faits économiques de ces cinquante dernières années ; elle a eu une influence décisive sur notre expansion coloniale. Les statistiques de la Chambre de commerce sont à cet égard des plus démonstratives : en 1866, le département des Bouches-du-Rhône n’employait que 6 744 chevaux-vapeur fournis par des machines à vapeur et 2 322 fournis par des forces hydrauliques ; en 1905, il utilise 53 238 chevaux fournis par des machines à vapeur, 4 353 fournis par des forces hydrauliques et 2 900 produits par des moteurs à gaz. Voici un tableau qui fera ressortir le même fait d’après le mouvement de fonds provoqué par l’industrie marseillaise :


Francs.
En 1830 117 359 225
— 1840 180 669 270
— 1860 326 213 007
— 1880 578 481 140
— 1900 782 079 861
— 1905 1 037 473 594[1]
  1. Enquête industrielle faite à l’occasion de l’Exposition coloniale de 1906. Rapport de M. Adrien Artaud (Marseille, Barlatier, 1906).