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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 36.djvu/177

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tactique, ou d’opinion, ou de caractère. Les Panégyristes ne s’embarrassent pas pour si peu : quand un prince se met à faire le contraire de ce qu’il a fait, eux aussi, bravement, disent le contraire de ce qu’ils ont dit. Leurs contradictions, non seulement d’un discours à l’autre, mais à quelques pages, à quelques lignes parfois de distance, sont amusantes à relever. Ainsi, parmi les peuplades barbares de Germanie, Maximien en a laissé quelques-unes tranquilles pour s’attaquer à d’autres : on louera sa sagesse dans le premier cas et sa bravoure dans le second. Constantin a voulu, du moins selon la version officielle, refuser tout d’abord l’Empire que lui offraient ses soldats, puis s’est décidé à l’accepter : son refus montre sa modestie, et son acceptation prouve que cette modestie même a cédé à l’intérêt de Rome. Plus tard, le même Constantin fait la guerre aux Barbares, et tandis que son père épargnait les vaincus, lui les fait mettre à mort : on admirera l’un pour sa miséricorde, l’autre pour sa légitime sévérité. Il supporte longtemps les vices et les crimes de Maxence : c’est qu’il est tolérant, épris avant tout de concorde et de paix ;… mais voici qu’il lui déclare la guerre : c’est que la révolte de la vertu indignée a été plus forte que la patience.

Cependant il ne serait pas difficile de faire voir qu’il y a dans tous ces éloges plus de sincérité, et même plus de vérité objective qu’on ne se l’imagine communément. Après tout, le IVe siècle a été pour l’empire romain une période relativement heureuse et glorieuse, qui devait surtout paraître telle au sortir de l’épouvantable anarchie où le monde civilisé avait failli sombrer. De tous les souverains auxquels sont adressés les Panégyriques, si aucun ne mérite peut-être les flatteries sans réserve qui lui sont prodiguées, aucun non plus n’est véritablement médiocre. Dioclétien était un homme d’Etat ferme et avisé, qui sut rajeunir la vieille machine gouvernementale par d’adroites réparations, au point de la faire marcher encore pendant cent vingt années. Maximien Hercule était au moins un général brave et actif. Constance, par son zèle et son dévouement, s’était conquis de véritables sympathies dans tout l’Occident. Constantin avait des qualités brillantes, qu’on a parfois soupçonnées d’être plus brillantes que solides, et pourtant ce ne sont pas des œuvres négligeables que sa réforme administrative et son établissement de la tolérance religieuse. Julien, si l’on met à part ce qu’il y a de chimérique dans son essai de restauration néo-païenne,