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auxquelles ils ont voué leur vie. Ils ne font guère valoir les services qu’elles rendent à la formation de l’intelligence proprement dite, à l’acquisition des connaissances ou à raffinement du goût ; ils insistent davantage sur leurs heureux effets pour l’amélioration du caractère. « Les lettres, dit Eumène, sont la base de toutes les vertus ; elles enseignent la tempérance, la vigilance, la patience. Quand l’esprit, dès l’âge le plus tendre, s’y est habitué, il est prêt pour toutes les obligations de la vie, même pour celles des camps, qui y semblent le plus opposées. » C’est également le motif qu’invoque Constance pour justifier sa sollicitude envers l’école d’Autun ; quand il en confie la direction à Eumène, il dit qu’il le charge « de préparer les âmes des jeunes gens à aimer un genre de vie meilleur. » Rhéteurs comme empereurs paraissent donc plus sensibles, pour me servir des termes modernes, à l’éducation qu’à l’instruction, et l’on peut dire qu’à leurs yeux l’enseignement est avant tout une école de morale.

C’est aussi une école de patriotisme. Les élèves doivent apprendre, à l’imitation de leurs maîtres, à célébrer la gloire des empereurs ; ils doivent contempler, sous les portiques des édifices scolaires, les cartes où sont tracés les contours de ces pays que les chefs de l’Etat protègent ou conquièrent. C’est pour cela, ajoute Eumène, que l’enseignement doit se donner dans un monument public et non dans des maisons privées. Autrement dit, l’enseignement doit être national parce qu’il présente une utilité nationale : c’est un des liens les plus solides qui rattachent les sujets aux princes, ou, ce qui revient alors au même, les citoyens à l’Etat. Il offre même au gouvernement des avantages encore plus pratiques, en assurant le recrutement des fonctionnaires. Nous avons vu tout à l’heure Eumène prétendre que l’instruction donnée dans les écoles prépare à tout, même au métier militaire, ce qui est sans doute quelque peu exagéré. Mais ce qui est certain, c’est que d’avoir fait de bonnes études est alors le meilleur titre pour bien réussir dans l’administration civile. Les rhéteurs arrivent aux plus hauts emplois : sans parler d’Ausone, qui fut préfet du prétoire et consul, de Nepotianus et d’Exuperius qui furent gouverneurs de provinces, plusieurs des Panégyristes nous disent qu’ils ont été investis de la confiance des princes ; Eumène a été magister memoriæ ou secrétaire de la chancellerie de Constance Chlore ; l’auteur du VIIe