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gouvernées par les plus affreux brigands sous le nom de magistrats ; la noblesse mise à mort ou réduite en un cruel esclavage ;… bref une telle misère qu’on enviait la bonne fortune des prisonniers des Barbares. » A côté de ces méfaits des hommes, voici ceux de la nature, éloquemment décrits dans ce passage du VIIIe Panégyrique, où l’auteur se plaint de la crise agricole qui désole le territoire des Eduens : « On est bien forcé d’abandonner des champs qui ne vous paient pas des dépenses faites. D’ailleurs, les paysans, écrasés sous leurs dettes, ne peuvent assécher le sol ni défricher les forêts. Tout ce qu’il y avait de bonnes terres est perdu par les marécages ou les broussailles… La vallée de la Saône a été riante jadis, quand il y avait un système régulier de drainage ; maintenant que l’écoulement des eaux est interrompu, toutes les parties basses et fertiles sont transformées en marais. Les vignes elles-mêmes, si admirées des ignorans, sont vieillies et ne sont plus cultivables… Tout le pays est désert, inculte, négligé, muet et sombre ; les routes mêmes sont si escarpées et raboteuses qu’à peine sont-elles praticables pour des voitures à moitié pleines. » Nous sommes loin ici des banalités et des déclamations : on sent une tristesse sincère, inspirée par le spectacle de faits trop réels. — Si les rhéteurs gaulois se lamentent ainsi sur les malheurs de leur pays, ils saluent avec une enthousiaste reconnaissance les efforts des empereurs pour y porter remède. Eumène les remercie de dépenser largement pour relever non seulement les temples et les édifices publics d’Autun, mais jusqu’aux maisons particulières, d’envoyer des ouvriers étrangers et des soldats pour accomplir de grands travaux de canalisation. Un autre orateur, à propos des colons barbares établis en territoire romain, se réjouit du profit que son pays va en retirer, et, comme il le dit, « triomphe au nom de toute la Gaule. » Un autre célèbre les monumens bâtis par Constantin dans une de ses capitales, à Trêves probablement : le grand cirque rival de celui de Rome, les basiliques, le forum. Et, aussitôt après les plaintes que nous venons de lire sur la désolation de la campagne d’Autun, vient une longue action de grâces au sujet de la bienveillance que Constantin a montrée aux malheureux Eduens, et de la remise d’impôts pur laquelle il a essayé de soulager leur misère. Cependant, ces bienfaits matériels ne suffisent pas aux Gaulois ; ils sont plus sensibles encore peut-être aux marques de