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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 36.djvu/326

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faiblesse pour des intérêts trop exigeans. Les optimistes rappellent que l’adaptation d’un peuple à des conditions nouvelles a toujours été, dans les commencemens, laborieuse et troublée ; mais on se demande pourquoi, dans ce pays si libre et si bien protégé, les difficultés grandissent avec le temps au lieu de décroître. On en cherche les raisons ; on énumère les conceptions trop hardies, les tentatives prématurées, les projets trop vastes, les résolutions trop absolues, dont nous avons présenté un tableau nécessairement incomplet, et on n’est pas loin de conclure que, si tout cela fut sincère et bien intentionné, ce n’était peut-être pas tout à fait raisonnable.

Un revirement paraît donc possible, j’oserais dire probable. L’Australie pressent les inévitables responsabilités futures. Si donc, écartant la chimère du pan-britannisme et conservant sa pleine liberté d’action, elle s’occupe exclusivement à mettre en valeur ses richesses naturelles ; si, pour établir sa législation économique, elle ne s’inspire que des conditions de son sol et de son climat, des aptitudes de sa population qu’une large immigration devra renforcer, et de la situation des marchés étrangers ; si enfin, comme l’ont fait les Américains du dernier siècle, elle met au premier plan le travail, et l’agitation politique au dernier, un bel avenir est devant elle.

L’Australie, dès lors, aura un trafic de plus en plus actif avec les territoires et archipels environnans. Les puissances qui ont des possessions dans ces parages prendront ou ne prendront pas une part dans ce trafic. Concurrens, associés ou cliens des Australiens, leurs marchands, leurs armateurs, leurs financiers, y posséderont ou n’y posséderont pas des intérêts. Les nations qui n’y auront plus que des intérêts dits politiques courront le risque de voir leurs établissemens annexés commercialement par l’Australie ; et ce serait le commencement de la fin.


BIARD D’AUNET.