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Notre « étourderie » nous vient principalement du Midi : et si la France n’avait pas entraîné dans son orbite le Languedoc et la Provence, nous serions, nous aussi, sérieux, actifs, protestans, parlementaires. Au surplus, l’Angleterre ne bénéficie en cela que de quelque retard : tout autant que la France, elle est en voie d’expulser son élément germanique, cette noblesse obstinée, fière, intraitable qui la gouvernait au temps de Pitt, de Castlereagh, de Wellington. L’article sur la Guerre entre la France et l’Allemagne s’exprimait déjà en ces termes : « L’Angleterre, selon la grande loi qui veut que la race primitive d’un pays prenne à la longue le dessus sur toutes les invasions, devient chaque jour plus celtique et moins germanique. » Et la Réforme intellectuelle insiste sur cette idée : « L’opinion publique en Angleterre, telle qu’elle se produit depuis plus de trente ans, n’est nullement germanique, » on y sent l’influence de l’esprit celtique, plus doux, plus sympathique, plus humain.

Ces assertions ethniques sont fort discutables ; voici une affirmation qui ne l’est pas moins : tout ce qui reste actuellement d’esprit militaire dans le monde est un fait germanique. Par la race germanique, demeurée féodale et militaire d’instinct, le socialisme et la démocratie, qui, chez nous autres Celtes, ne trouveraient pas facilement leur limite, arriveront sans doute à être domptés. Et ce résultat sera conforme aux précédens de l’histoire, car la race germanique a toujours fait dominer le fait matériel et brutal de la propriété, résultat de la conquête, sur les considérations tirées des droits de l’homme, et sur les théories abstraites du Contrat social. Renan n’aperçoit pas ici à quel point il se fait illusion et se contredit lui-même, car c’est précisément le fait brutal et la conquête que dissimulent la théorie des droits de l’homme ou du contrat social : il s’agit d’une conquête plébéienne de classe au lieu d’une conquête germanique de race : voilà tout.

L’auteur de la Réforme intellectuelle prévoit encore à ce moment que la réponse à chaque progrès du socialisme pourrait être un progrès du germanisme : en sorte qu’un jour viendrait où tous les pays de socialisme seraient gouvernés par des Allemands. Pour qui regarde avec attention, dit-il, l’invasion des IVe et Ve siècles n’eut pas d’autres causes que celles dont nous contemplons le jeu autour de nous. Les pays romains étaient devenus incapables de produire de bons gendarmes, de bons mainteneurs de propriété. Quand la France en sera là, il lui faudra