Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 36.djvu/350

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chrétienne, le Juif ne fut souvent « qu’un Gaulois professant la religion de Moïse. » Le mouvement talmudique, qui interdit le mariage avec les goims est postérieur à cette première fusion, dont les effets ne purent donc pas être effacés : et la seule conséquence d’une tardive sévérité matrimoniale fut de fixer dans le peuple israélite des types qui, déjà, n’avaient plus rien de spécifiquement oriental. Au surplus, le fait ethnographique, capital aux origines de l’histoire, va sans cesse perdant de son importance avec le temps.

L’aryanisme religieux subit sans tarder la même éclipse que l’aryanisme politique dans une pensée qui s’est tournée tout entière vers un idéal nouveau. Fort significative à cet égard est la conférence faite le 26 mai 1883 à la Société des Études juives, qui était présidée ce jour-là par le chef d’une grande maison financière. Cette allocution, qui débute en ces termes : « Je suis infiniment heureux, monsieur le baron, des paroles par lesquelles vous avez eu la bonté de m’introduire auprès de cette assemblée, » a conservé le privilège d’exaspérer, aujourd’hui encore, les antisémites théoriciens qui se cramponnent à l’idée de race[1]. Renan semble s’efforcer maintenant de fondre en un seul tout les deux religions israélite et chrétienne que ses Origines du christianisme ont pris tant de peine à distinguer lune de l’autre. Les prophètes sont, dit-il, les précurseurs directs du Christ. La primitive Eglise se sépara très lentement du judaïsme, et Constantin acheva seul leur scission, en donnant une consécration officielle aux disciples de Jésus. Or, après cette séparation malheureuse, ce n’est plus aux Aryens que Renan attribue maintenant le beau rôle : « Nous entrons dans le moyen âge. Les Barbares arrivent, et alors commence cette déplorable ingratitude de l’humanité devenue chrétienne contre le judaïsme. C’est toujours ainsi que les choses se passent. Quand on travaille pour l’humanité, on est sûr d’être volé d’abord, et, par-dessus le marché, battu ! » (Rires. Applaudissemens.)

Aussi, détournant les yeux du triste spectacle qu’offre désormais à sa vue l’entrée en scène des Barbares germaniques, l’ancien critique des Mémoires de Guizot reporte-t-il son regard avec complaisance vers cet admirable XVIIIe siècle, qui a donné la vraie théorie de la société humaine, et vers la Révolution

  1. Voyez les Grundlagen des XIX Jahrhunderts de M H. S. Chamberlain.