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et les dehors extrêmement embellis, et je ne les aurais pas reconnus. J’ai soutenu assez courageusement la fatigue du voyage, et ma santé n’est pas mauvaise. Je me plais fort ici ; je serais fort aise de vous y voir, et c’est ce qui serait bientôt, à ce que je me flatte, si j’étais chez moi. Je compte faire un tour à Lyon, dans le courant de cet été ; si je peux vous y être bonne à quelque chose, vous me le manderez.

Jeudi 25 mai 1752. De Champrond. — Je suis on ne peut plus sensible aux invitations que M. d’Aulan et vous me faites de vous aller trouver. Rien au monde ne me ferait plus de plaisir que de vous embrasser l’un et l’autre et de passer quelque temps avec vous ; mais je me ferais illusion à moi-même, si je vous disais que j’espère pouvoir aller à Avignon. Indépendamment de la fatigue du voyage, ce n’est pas le séjour d’une ville qu’il me faut ; j’ai quitté Paris pour jouir pendant quelques mois du repos et de la tranquillité. Je ne sais point quelle idée vous avez de mon incommodité ; je n’en ai point d’autre que beaucoup de faiblesse et d’épuisement, causés par de mauvaises digestions. J’ai eu pendant quelque temps des vapeurs, mais depuis trois mois j’en suis totalement délivrée, et ma santé est infiniment mieux à tous égards. Ce n’est point le voyage à qui je dois ce meilleur état ; je le craignais beaucoup, et si je l’ai soutenu avec plus de force que je ne l’espérais, je n’en conclus point qu’il me fût bon. Rien ne me convient que le repos ; c’est l’unique remède qu’il me faut.

Je ne sais point encore quand j’irai à Lyon ; il faut, pour que j’exécute ce projet, que ma santé soit encore plus affermie. Mon arrangement serait d’y aller avec Mme de Vichy, de loger chez M. le cardinal de Tencin, et de n’y demeurer que cinq ou six jours. Mon frère resterait à Champrond avec ses enfans et Mme de Largentière. Vous voyez bien, ma chère sœur, qu’indépendamment de l’impossibilité qu’il y aurait de m’arranger pour vous voir à Lyon, par l’incertitude de tout et le peu de durée du séjour, ne serait-il pas de la plus grande singularité de choisir ce lieu pour nous voir, l’habitation de mon frère n’en étant qu’à dix lieues ? Ce serait afficher que vous ne voulez point voir Mme de Vichy, et c’est à quoi vous ne parviendriez même pas, puisque je n’irai point à Lyon sans elle… Je suis chez M. et Mme de Vichy ; ils me comblent de marques d’amitié et d’attention ; mais plus ils désirent que je regarde leur maison comme la mienne, plus ils m’engagent à ne manquer envers eux ni aux égards, ni à la déférence que je leur dois. Ils n’ignorent point mon amitié pour vous, ils ne peuvent douter du plaisir que j’aurais de vous embrasser, mais Mme de Vichy me paraît fondée à croire que vous ne la voulez point voir ; votre passage à Roanne ne le lui a que trop prouvé. Je voudrais bien, ma chère sœur, que vous n’eussiez point fait cette faute, et ce serait une grande douceur dans ma vie si votre union avec mon frère et ma belle-sœur me procurait le plaisir de vivre à la fois avec vous et avec eux. Je compte rester ici jusqu’à la moitié de septembre. Nous n’avons point encore M. de Mâcon, mais nous l’attendons de jour en jour ; je lui ferai vos complimens.

15 juin 1752. De Champrond. — Je commence à me porter un peu mieux et je suis moins décharnée. La vie tranquille me fait beaucoup de bien. Je ne sais point encore si j’irai à Lyon ; mon intention était de vous y acheter une robe, mais, comme je ne suis point sûre d’y aller, j’ai remis à, M. le