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des modes anciens, l’économie et le placement, qui exigent eux-mêmes la garantie du temps, ils prennent l’assurance sur la vie, parce que le paiement de la prime annuelle se classe plus facilement que l’économie parmi les dépenses nécessaires, et que, d’autre part, le risque terrible de la mort est toujours couvert. Le plus souvent, le mari s’assure lui-même sur la vie au profit de sa femme. Il manifeste clairement ainsi qu’il a voulu, pour le cas où il disparaîtrait, que son activité et le capital qu’elle représente fussent remplacés au profit de sa femme par le montant de l’assurance. La conséquence raisonnable et juste de ce dessein serait donc que, le mari décédé, la femme touchât le capital assuré comme un bien à elle propre et personnel. Or la jurisprudence a fini par reconnaître, non sans peine, que la créance de ce capital contre la Compagnie d’assurances était un propre de la femme. Les règles de composition de la communauté ne semblaient point gêner la combinaison si sage de l’assurance. Mais une autre règle a tout détruit, celle des récompenses. Les époux ne peuvent rien prendre sur le patrimoine commun qu’à charge de récompense : or il a fallu « nourrir » l’assurance par le paiement des primes annuelles ; c’est la communauté, jouissant de tous les revenus, qui a payé ces primes ; lorsque le capital assuré devient exigible, il faut donc que la femme, qui en profite, « récompense » la communauté, c’est-à-dire lui rembourse toutes les primes payées, souvent la même somme, quelquefois une somme plus forte que le capital. L’assurance devient ainsi inutile. Il n’est qu’un moyen d’éviter cet échec, c’est que le mari, suivant son droit, dispense sa femme de la récompense. S’il a négligé de le dire expressément, son intention devrait toujours être présumée : car elle est conforme au principe même de l’assurance et à l’idée qui l’a inspiré. Il a voulu créer à sa femme un droit tout personnel. Il a fait cette combinaison, que le Code n’a pas connue, pour laquelle les règles de la communauté ne sont pas faites : constituer, au profit de sa femme, un bien qui remplacerait le capital que représentent son activité, son intelligence, sa vie.

En dehors de ces deux droits-types, celui de l’auteur, celui de l’assuré, il faut bien reconnaître le caractère de personnalité à d’autres encore, tels que celui de la victime d’un accident du travail : la loi de 1898 le décide implicitement en déclarant la rente incessible, le droit à la rente est tout personnel.