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ne se recommandait plus à lui que de ses avantages politiques. « Pour que s’épanouisse une grande Allemagne libre, écrivait-il en 1848, il faut qu’elle devienne un peuple sain, robuste et pieux ! » L’année suivante, il se proposait « d’utiliser, en Orient, l’élément religieux du clergé catholique pour répandre et fortifier l’influence allemande. » Et déjà avait surgi, à l’horizon de sa pensée, ce spectre des Jésuites qui, désormais, n’allait plus cesser de le hanter, jusqu’au dernier jour de sa longue carrière.

Car c’est sans aucune exagération que l’on pourrait dire que, sa vie durant, et en dehors des opinions diverses que lui imposaient ses fonctions, le prince de Hohenlohe n’a eu, pour son compte, qu’une seule opinion qui l’émût profondément, au point de le conduire même, parfois, à se départir de sa « passivité » professionnelle : à savoir, la crainte et la haine des Jésuites. Jamais, peut-être, l’auteur du Juif-Errant n’a trouvé un disciple aussi convaincu, ni aussi fidèle. Dès 1846, le jeune député bavarois « découvre tout à coup l’abime où la politique des Jésuites a failli le précipiter ; » et il demande à Dieu la force « de résister aux tentations de cette société diabolique. » Depuis lors, le cauchemar des Jésuites ne le quitte plus. Un séjour qu’il fait à Rome en 1856, « lui révèle de plus en plus la différence qu’il y a entre les sectateurs des Jésuites et le reste du clergé. » Puis, après son retour en Bavière, c’est assez qu’un personnage politique quelconque le combatte, ou simplement ne le soutienne point, pour qu’il découvre aussitôt en lui « un agent des Jésuites. » Son maître et protecteur Bismarck, en 1871, lui semble-t-il hésiter à soutenir ses projets de campagne contre les catholiques ? Hohenlohe s’épouvante de « l’influence des Jésuites sur le chancelier ! » Il déplore que « la nécessité absolue de chasser d’Allemagne les Jésuites n’ait pas encore pénétré au fond du cœur de la nation entière. » Quant à lui, il ne se lasse point d’affirmer « que l’empire allemand ne sera véritablement constitué qu’après l’expulsion des Jésuites, » et de toute la partie du clergé qu’il croit être à leurs ordres. A Paris, pendant son ambassade, il note, avec un plaisir manifeste, un bruit suivant lequel tous les otages fusillés par la Commune auraient été « des adversaires des Jésuites ; » et il ajoute, mystérieusement, que « personne n’a jamais pu savoir par qui ces otages avaient été désignés à leurs assassins. » Enfin, pour m’en tenir à ces quelques exemples, lorsqu’en 1877 le vieil empereur Guillaume lui fait part de son peu de goût pour la continuation de la lutte engagée, naguère, par Bismarck contre le clergé catholique, l’ambassadeur d’Allemagne à Paris, qui commence, lui-même à