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tation d’un jour a eu malheureusement de mélancoliques lendemains. En attendant, la création du ministère du Travail a été consacrée par 512 voix contre 20, et voilà M. Viviani investi, sur sa demande, de la terrible charge de faire notre bonheur.

Nous ne sommes pas les adversaires systématiques du ministère du Travail. L’instrument est dangereux : il peut faire quelque bien ou beaucoup de mal. Nous craignons qu’aujourd’hui, avec certains hommes et avec les prétentions dont M. Viviani s’est fait l’interprète, la seconde hypothèse ne se réalise et que, sous prétexte de justifier l’institution, on n’en vide le contenu sur nos têtes, comme une boite de Pandore au fond de laquelle on aura supprimé l’espérance. Pour le moment, elle n’a servi qu’à faire, au nom du gouvernement, une profession de foi nettement antireligieuse et une déclaration de guerre à toutes les croyances. M. Briand en a été embarrassé. Il a expliqué le lendemain que l’État n’avait pas le droit d’être antireligieux, mais qu’il avait le devoir d’être areligieux, c’est-à-dire que, n’ayant lui-même aucune religion, il devait les ménager toutes. M. Briand exprime des repentirs que ses collègues n’éprouvent peut-être pas. Il est l’homme de la séparation de l’Eglise et de l’État ; M. Viviani est celui de la négation de l’Église par l’État. Singulière façon que la sienne de défendre un ministère que personne n’attaquait, en attaquant ce qui n’était pas en cause et en offensant une fois de plus la conscience d’une partie considérable de la nation ! M. Clemenceau s’en prend au Pape, nous avons montré avec quelle inconvenance ; mais enfin, c’est la politique du Pape, et non pas ses croyances qu’il a prises à partie dans sa déclaration. Avec M. Viviani, c’est la foi catholique elle-même qui est en cause, et qui est traitée et bafouée on a vu comment. D’un jour à un autre, tel a été le progrès !

Nous devons signaler, à cause des indications qu’elles contiennent pour l’avenir, les élections qui viennent d’avoir lieu aux États-Unis, pour le renouvellement de la Chambre fédérale, et pour le choix des gouverneurs d’États et d’autres fonctionnaires. Disons-le tout de suite : les républicains sont restés maîtres de la situation, mais ils ont perdu du terrain, et même d’une manière assez sensible : la majorité dont ils disposaient à la Chambre sera réduite de près de moitié. L’attention principale s’est portée sur la lutte de deux hommes qui se disputaient le gouvernement de l’État de New-York, M. Hugues, candidat républicain, et M. Hearst, candidat démocrate. L’intérêt de la bataille a pris un caractère particulièrement aigu par l’intervention personnelle