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accroissement, — il suo augamento, — eût été encore bien plus agréable à ces Magnifiques Seigneurs s’ils eussent su avoir fait envers lui ce qu’ils avaient promis et ce qui convenait. » Il fut agressif et reprocha aux Florentins ce que précisément Florence aurait eu le plus à lui reprocher : « tout ce qui s’est passé depuis sa venue de l’an dernier jusqu’à ce jour ; » à l’entendre, c’étaient eux, c’étaient les Florentins qui avaient manqué de foi, et donné cause à tous les désordres que les soldats firent, « en ne fournissant pas le prêt et les artilleries, comme ils s’y étaient engagés. » Pourtant, il n’était allé en Toscane, cette fois-là, que pour avoir leur amitié et pouvoir se reposer en elle ; bien que Florence lui eût manqué, il voulait tenter une dernière épreuve, et il avait demandé quelqu’un avec qui il pût conférer de son intention, laquelle était de s’unir aux Florentins, s’ils le voulaient, et, s’ils ne le voulaient pas, — il se fit tout ensemble et pieux et menaçant, — s’ils ne le voulaient pas, il voulait être, lui, excusé devant Dieu et devant les hommes de chercher à s’assurer de leur État par tous les moyens qu’il pourrait. Il tâcha d’être persuasif : ils avaient, Florence et lui-même, une si longue frontière commune, qu’il ne pouvait faire autrement ; et prometteur et séducteur : la République retirerait de cette alliance autant de bénéfice qu’elle y mettrait d’amitié. Au surplus, il savait sa force, et qu’il avait été, l’année d’avant, en son pouvoir, non seulement de réintégrer les bannis, mais de « donner à la République pour gouvernement un bâton et un chien. »

C’est un esprit clair, méthodique, positif, réaliste, qui ne se laisse ni éblouir aux dorures du langage ni prendre aux finesses banales. Il sait vouloir, dire qu’il veut, voir ce qu’il veut dans l’ordre où il le veut, et le déclare net. « Je veux d’abord ceci ; ensuite, cela ; si cela se fait, voici ; si cela ne se fait pas, voilà ; il en sera ainsi, parce que… et d’autant plus que… » Il n’a pas la moindre illusion sur les sentimens qu’il inspire et l’opinion qu’on a de lui ; il n’ignore pas qu’à Florence, on le traite d’« assassin ; » et il ne s’en émeut que pour s’en faire un grief. Il n’admet point, lorsqu’il a parlé, que l’on « fasse la bête » et que l’on ait l’air de ne pas comprendre. « Vous êtes trop prudent, et vous m’entendez bien ; mais soit, je vais répéter brièvement. » Alors, à la minute, en une phrase, il met à l’interlocuteur, à l’adversaire, le poignard sur la gorge : il lui offre le choix : ou ami, ou ennemi. Les convenances ne l’arrêtent pas plus que les