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qui occupe presque toujours des charges de cour, n’y paraissant le plus souvent que dans les occasions solennelles et en temps de guerre. Pris parmi les capitaines de compagnies et gardant le commandement de la sienne, le lieutenant-colonel est nommé par le Roi qui le désigne au choix, sans avoir à tenir compte de l’ancienneté du grade. Dans chaque régiment, le lieutenant-colonel devint donc ainsi le véritable représentant direct du Roi et du secrétaire d’Etat, et l’on pourrait rapprocher l’emploi qu’il remplit, à côté du colonel, de celui de l’intendant auprès du gouverneur de province.

Au-dessous du colonel et du lieutenant-colonel, viennent les capitaines (cornettes, dans la cavalerie), dont le plus ancien prend le titre de major et exerce certaines attributions de surveillance et de contrôle ; puis, après les capitaines, mais seulement si les compagnies sont nombreuses, les enseignes, assimilables aux capitaines en second d’aujourd’hui, et ensuite les lieutenans et les sous-lieutenans.

De cette époque date donc la hiérarchie des grades, telle qu’elle subsiste encore, et, cette institution ayant été imitée par les puissances étrangères qui lui empruntèrent jusqu’aux noms français, l’on peut dire que Le Tellier traça, à cet égard, aux armées modernes leur cadre à peu près définitif, jusqu’au moment où furent créées, après la Révolution, des unités nouvelles : divisions, brigades, bataillons.

Ayant ainsi arrêté la hiérarchie des officiers, Le Tellier s’appliqua à régler celle des corps de troupes. A tous égards, il y avait alors, entre les divers régimens, une grande différence de traitement, les uns ayant un effectif beaucoup plus important et étant beaucoup plus considérés et payés que les autres. Les « Vieux, » Picardie, Piémont, Champagne, Navarre, Normandie, etc., avaient le pas sur les « Petits vieux, » et d’autres prérogatives sur les régimens de rang inférieur. Ces derniers pouvaient être cassés, autrement dit licenciés ou réduits à deux compagnies, selon les cas ; les vieux étaient toujours maintenus et ne descendaient jamais au-dessous de vingt. Entre les Vieux et les Petits vieux, et entre les Vieux eux-mêmes il y avait de très vives compétitions, et parfois, — comme il arriva, en 1644, au siège de Gravelines, entre le régiment de Navarre et les gardes françaises, — on les voyait prêts à se disputer le premier rang, les armes à la main. Le Tellier s’appliqua à diminuer ces