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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 36.djvu/693

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devaient guère cesser de s’accroître. À cette époque, le gouvernement se chargeait de fournir les vivres aux troupes et d’en retenir le prix sur leur solde. Le Tellier ne changea point ce système, mais il fixa, — et ce fut là une très importante réforme, — la quantité de vivres que chaque soldat devait recevoir, et il procéda à cette fixation d’une manière si exacte, que, pendant toute la durée de son administration, les chiffres restèrent à peu près invariables.

Dans cette partie de son œuvre, plus qu’en toute autre, Le Tellier semble avoir pleinement réussi. Plus que personne il se rendit compte que « la nécessité des vivres » est la première à laquelle un ministre doive penser puisque, ainsi qu’on l’a dit avec raison, « les tambours et les trompettes ont beau faire, les boulangeries règlent le pas des soldats. »

Lorsque Le Tellier devint secrétaire d’Etat, le pain n’était donné qu’à l’infanterie ; les sergens, caporaux et soldats avaient droit, par jour, à une ration de pain de 24 onces (soit 734 grammes) « cuit et rassis entre bis et blanc. » A la cavalerie on ne fournissait qu’exceptionnellement les vivres, mais on lui distribuait le fourrage qui, pour chaque cheval, aux termes des ordonnances de 1651 et 1653, représentait « 20 livres de foin et 10 livres de paille par jour, ou 25 livres de foin au cas où l’on ne pourrait trouver de paille, et 20 picotins d’avoine. »

Touchant une solde jugée suffisante, les officiers des compagnies ne recevaient pas de pain de munition ; mais tous ceux de l’état-major y avaient droit, et l’on pourra se faire une idée de l’important prélèvement qu’ils opéraient sur les vivres de l’armée, si l’on consulte « l’état général de la distribution du pain aux officiers généraux des armées du Roy, » du 22 avril 1656. On y voit que le commandant en chef prend, chaque jour, 100 rations, sa compagnie de gardes 30 ; les lieutenans généraux et intendans 50 ; les maréchaux de camp, les commandans de cavalerie légère et les surintendans et commissaires généraux des vivres 30 ; les maréchaux des logis et ceux de la cavalerie légère 20 ; les aidés de camp et les majors de brigade 15 ; les prévôts et leurs archers 40 ; les procureurs du roi 10 ; les secrétaires et les médecins 12 ; les aumôniers, les chirurgiens, les apothicaires, les trompettes et les capitaines des guides 6 ; au total, près de 600 rations par jour. Le coût de chaque ration s’élevant au moins à 2 sols et le Roi ne déduisant qu’un sol sur la solde du