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vie est de plus en plus chère, et un député marié, père de famille, obligé d’avoir une installation à Paris et d’en conserver une en province, a bien du mal à faire face avec convenance aux charges et aux devoirs qui lui incombent. C’est là un des côtés de la question, mais non pas le seul. On peut se demander, d’autre part, s’il est nécessaire et utile de multiplier la race des politiciens qui vivent exclusivement de la politique et en font leur unique carrière. Le niveau intellectuel et moral du Parlement en sera-t-il exhaussé ? La concurrencé électorale n’en deviendra-t-elle pas plus âpre et plus violente ? Admettons que ces raisons pour et contre se fassent équilibre, et que l’esprit démocratique qui souffle sur nous doive faire pencher la balance dans le sens d’une augmentation de l’indemnité parlementaire, il n’en reste pas moins que l’heure a été mal choisie et que le procédé employé n’est pas défendable. Nous nous sommes expliqué sur le premier point : que dire du second ? L’affaire a été conduite comme un complot qu’on n’osait pas avouer. En dehors de quelques affidés à la Chambre et au Sénat, personne n’était averti de ce qui se préparait dans l’ombre. On redoutait un débat public ; on a voulu y échapper à tout prix. Il y a quelques années, une proposition du même genre avait été faite à la Chambre, mais on avait procédé au grand jour, et il y avait eu un vote nominal. Il est vrai que la proposition avait été rejetée. On a jugé sans doute que ce dénouement ne recommandait pas la procédure suivie à cette époque, et on en a adopté une autre. La proposition, cette fois, a été faite le même jour à la Chambre tout au commencement, et au Sénat tout à la fin d’une séance, c’est-à-dire à un moment où il n’y a personne. Les membres présens ont à peine su de quoi il s’agissait, tant ils s’y attendaient peu, et les protestations ne se sont produites que le lendemain. Nous doutons, toutefois, que l’affaire puisse être menée jusqu’au bout dans ce silence trop prudent. Ce n’est pas tout de voter en principe une loi qui entraine une dépense : il faut roter ensuite un crédit. Si on a pu échapper à une discussion et à un scrutin public au premier acte, le pourra-t-on au dénouement ? On a, dit-on, d’excellentes raisons à donner pour justifier la mesure ; eh bien ! qu’on les donne. La dignité du Parlement l’exige. Elle a perdu quelque chose à la manière sournoise, subreptice et vraiment un peu honteuse dont toute cette machination a été menée.

M. Charles Benoist a trouvé la vraie solution. S’il est exact que les parlementaires ne sont pas assez rétribués, il y a une autre vérité dont on convient encore plus généralement, à savoir qu’ils sont trop