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L’ORAGE


Les lis du vase vert ont une odeur d’orage,
Et, peu à peu,
Se dessinent la griffe et l’aile d’un nuage
Au ciel trop bleu ;

Le miroir sur le mur, en sa rocaille torse
Crispant son or,
Paraît terne, engourdi, sans reflet et sans force,
Et comme mort ;

Les lis trop parfumés, en leur faïence verte,
Semblent trop blancs,
Et, dans l’air lourd, là-bas, à la fenêtre ouverte,
Parfois j’entends,

Tandis que je regarde à travers la dentelle
Votre sein nu,
Passer comme un éclair le cri des hirondelles
Au vol aigu.


L’AVEU


Mon cœur est sans regret, ce soir, et sans tristesse ;
Le jour a fui pourtant, et vous n’êtes plus là ;
Ces roses, peu à peu, dans l’ombre plus épaisse,
Semblent des fleurs de cendre où quelque feu brûla ;

Cependant, aujourd’hui vous étiez toujours belle,
Vos mains étaient vos mains, vos yeux étaient vos yeux,
Et comme j’eusse hier trouvé morne et cruelle
L’heure où vous me laissez seul et silencieux !

Mais, ce soir, je me sens le cœur ingrat et sombre ;
Vous étiez près de moi, et j’étais loin de vous,
Et j’aurais souhaité que s’effaçât dans l’ombre
Votre visage pur, délicieux et doux,