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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 36.djvu/886

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CÉSAR BORGIA

II.[1]
L’ORIGINAL DU PRINCE


I

Après avoir fait étape à Pesaro et à Fano, Machiavel, suivant l’armée ducale, était parti de bonne heure, le matin du 31 décembre 1502, pour Sinigaglia, dont les Orsini et Vitellozzo s’étaient emparés au nom de César. Le jour même, il écrit : « Ils lui ont fait escorte (les condottieri), et quand il a été entré, eux à ses côtés, dans la terre, il s’est tourné vers sa garde et les a fait prendre prisonniers ; et ainsi il les a tous pris, et la terre est encore à sac ; et nous sommes à vingt-trois heures (à onze heures du soir). Je suis dans un très grand souci : je ne sais si je pourrai expédier ma lettre, car je ne trouve personne qui s’en vienne. Je vous écrirai au long par ailleurs, et, selon mon opinion, ils ne seront pas en vie demain matin. »

Sommairement, par cette première dépêche, le secrétaire florentin annonce aux Dix ce qui lui apparaîtra bientôt, ce qui lui apparaît peut-être déjà comme un chef-d’œuvre de la ruse Elle est brève, sèche, émue pourtant, et il semble qu’on y sente trembler cette main qui tracera imperturbablement tant de maximes qui dans la suite des temps seront réputées effroyables.

  1. Voyez la Revue du 1er novembre 1906.