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décembre, c’est-à-dire au moment psychologique où on s’observait de part et d’autre avec le plus d’attention et peut-être de suspicion, une très lourde maladresse. Il a adressé aux préfets une circulaire qui paraissait procéder de deux inspirations contraires au point qu’on a dit, et cela est vrai, qu’elle avait l’air d’avoir été écrite par deux hommes différens. La première partie du document était la mise en œuvre des discours que M. Briand avait prononcés devant la Chambre, et que les amis de la paix religieuse avaient approuvés. Elle indiquait au clergé et aux fidèles comment ils pourraient se réunir pour l’exercice du culte conformément aux règles du droit commun, où le Pape leur avait conseillé lui-même de chercher des moyens d’existence. Nous reviendrons sur ce point. La circulaire ajoutait, ce qui était peut-être inutile, que les curés, dans les églises, ne pourraient désormais prélever le produit de la location des chaises, ni des objets qui servent aux enterremens. Elle allait encore plus loin et leur refusait le droit de faire aucun acte d’administration, expression un peu vague, un peu élastique, mais qui comprend certainement le chauffage et l’éclairage des églises, ou encore les réparations légères et urgentes sans lesquelles le simple usage de l’immeuble devient difficile ou impossible. Tout cela sentait la taquinerie et pouvait conduire à quelque chose de pis. A quoi bon laisser aux catholiques la disposition des églises, si on les rend inhabitables, ou impropres au service auquel elles sont affectées ? Mais ce qui précède est encore peu de chose : il faut en venir, à la dernière partie de la circulaire de M. Briand pour se rendre compte du déplorable effet qu’elle devait faire et qu’elle a fait.

Le recrutement ultérieur du clergé aurait été bientôt empêché, si elle avait été maintenue. C’est dans les grands séminaires que le clergé s’élève et se forme : or, la circulaire déclarait que le fonctionnement des grands séminaires se faisait au moyen d’un « groupement de fait » qui constituait une association cultuelle déguisée et illégale. A la question de savoir si les grands séminaires pourraient rester, grâce à une location, dans les locaux qu’ils occupent présentement et qui appartiennent le plus souvent à l’État, M. Briand faisait une réponse négative, rédigée en termes très rudes. « Loin, disait-il, que cette association illégitime puisse prétendre à la continuation, sous forme de bail, de la jouissance de l’immeuble, ses administrateurs seront passibles de poursuites correctionnelles en vertu de l’article 23 de la loi du 9 décembre 1905. » On ne saurait mettre les gens plus cavalièrement à la porte ! Dès qu’elle a été connue, la circulaire du 1er