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aussi et plus tard, au temps où Mme de Sévigné nous affirme que Corbinelli devait à cette panacée le rétablissement de sa santé, l’un des personnages du Médecin malgré lui s’écrie, en apprenant les résultats prodigieux d’un remède qui ressuscite les morts : « Il fallait que ce fût quelque goutte d’or potable ! »

La pharmacopée du XVIIe siècle préconisait, contre les maladies du cœur, un « électuaire » où entraient de l’or et de l’argent pur, en feuilles, combinés avec l’émeraude, l’hyacinthe, le saphir, les perles, les vers à soie piles, le musc, l’os du cœur du cerf, l’oxyde de zinc, la terre sigillée, la mélisse, le bois d’aloès, le corail blanc et rouge, la bourrache, la girofle, les roses et… un peu de sucre. Rien de plus ordinaire alors que des formules où entrent 20 et 30 substances. La fameuse « thériaque » en contenait 65, et l’eau-de-vie blanche de Dresde, contre les évanouissemens, 118. Rien d’étonnant par suite à ce qu’un électuaire « restaurant » coûte de 12 à 20 francs, un électuaire « confortatif de pierres précieuses » 25 francs et même, en 1366, un électuaire laxatif 50 francs.

L’ « emplâtre magistral » à 44 francs la pièce (1384), l’ « apozème » à 59 francs (1344), l’« onguent aux apôtres » et l’ « eau de Salomon » à 62 francs le kilo (1418) n’étaient pas non plus à la portée des petites bourses. Les tisanes, gargarismes, médecines purgatives, simples ou « fort composées » étaient moins chères, — 5 à 10 francs, — mais si multipliées par l’ordonnance des médecins, qu’il en coûtait gros d’être soigné dans les règles.

Malheur en effet à qui veut se soustraire à la purgation fréquente. Si Louis XIII tombe gravement malade (1616) c’est, nous disent les médecins, « qu’il ne se purgeait point, que son cerveau n’avait aucune évacuation parce que, de son naturel, il se mouchait fort rarement. » Ce monarque indécis fut toujours très ferme sur ce chapitre : « Il nous a fait assembler cette après-dînée, écrit l’un des docteurs à Richelieu, sur la résolution qu’il a prise de n’user d’aucune chose purgative ; afin de nous accommoder à son humeur, nous ouvrons la porte de derrière par des lavemens, » conclut mélancoliquement Bouvard, qui, pour se rattraper, en fait prendre tous les jours et quelquefois trois ou quatre en vingt-quatre heures, à son auguste malade. L’usage persista jusqu’à l’aurore du XIXe siècle, où l’abus de ce