Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 37.djvu/159

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

était et est encore « d’une incomparable richesse, » au point que Madagascar compte soixante-six mammifères tandis que la Nouvelle-Zélande en a deux seulement.

Et cette étrangeté reste aujourd’hui celle des paysages, mornes et éclatans, et des races, endormies et frétillantes, dans un pays nu couleur d’or rouge, à la fois très pauvre et très riche, qui repousse et attriste l’Européen au premier contact et le prend ensuite au point qu’il ne veut plus le quitter. Elle se traduit dans ce curieux texte royal des Hovas :

« Madagascar, terre paisible où l’on vit à peu de frais ! Si c’est au sujet des connaissances et de la science qu’on la juge, l’Angleterre est son aînée par la naissance ; l’Allemagne a eu les cheveux coupés avant elle ; la France est connue depuis longtemps. Mais si l’on ne regarde que ses qualités, c’est l’œuvre naturelle du Créateur, qu’il serait dangereux de railler. Terre fertile et non aride, grasse et moins que maigre, lustrée et non terne, douce et jamais dure, belle et non desséchée, elle est enviée par les autres, mais n’envie personne. Ceux qui la possèdent savent ce qu’elle vaut, les étrangers restent étonnés devant elle. Nombreux sont les émigrans à la recherche d’un refuge qui, dès qu’ils la connaissent, y fixent leur demeure. Elle n’a pas de détracteurs et ses admirateurs sont légion, parce que ses cheveux sont luisans. Voilà ses qualités que tous connaissent. »


I. — LES PELOUSES DE SABLE. — LES PREMIÈRES ÉMIGRATIONS. — — LES ANTAIMOROS

Toute la côte malgache où viennent écumer en poudre d’argent les lames glauques de l’océan Indien, est basse et blonde sous un ciel brouillé qui répand sur l’étendue l’aspect verdâtre et livide de la solitude. La mer mousse, l’air est saturé de poussière humide. Cette rive, battue toute l’année par l’alizé et le grand courant équatorial, est empâtée régulièrement par les alluvions qui sont refoulées dans les embouchures et étalées en flèches de gravois fins. A quelques pas de l’Océan, une haute végétation couvre la bande de sable entre le littoral et le cordon indéfini de lagunes qui le double du Sud au Nord. Elle se répartit en deux sortes de paysages dissemblables : d’immenses fourrés, élevés et épais, aux ramures sombres chargées d’épiphytes ; et de grands parcs sauvages, pareils à des jardins anglais de monde