compromettrait lui-même en sollicitant pour son oncle ; qu’il ne sauverait pas celui-ci pour lequel il ne pouvait rien. » Berryer demeura confondu d’une telle impassibilité.
Une des plus lourdes charges qui pèsent sur le conventionnel est d’avoir été l’ami de Carrier ; M. Dard constate qu’Hérault fut au Comité de Salut public le correspondant préféré du terrible proconsul. « J’ai lu tes lettres au Comité, écrit-il, le 20 septembre, à Carrier. Elles sont pleines de vigueur et d’énergie. Continue, brave collègue, c’est en poursuivant ainsi les coquins et les hommes douteux, c’est en déménageant cette engeance que tu sauves la République. » On sait le moyen que Carrier employa dans la suite pour « déménager » rapidement l’engeance des hommes douteux. Dans une autre lettre, Hérault donne à son correspondant le conseil de « frapper en passant de grands coups et d’en laisser la responsabilité à ceux qui sont chargés de l’exécuter. » M. Dard retrouve avec raison dans cette recommandation hypocrite la théorie du charlatanisme qui fait l’objet d’un chapitre du Codicille.
A partir de ce moment, les argumens manquent à l’historien pour disculper le féroce Montagnard. Il nous le montre menacé par l’hostilité de Robespierre et en proie à son tour à la terreur. « Hérault était devenu, comme Hébert, implacable par peur. » C’est par lâcheté qu’il charge la Reine sa bienfaitrice qu’un mois auparavant il avait eu l’intention de sauver. Au cours de sa mission dans le Haut-Rhin, s’il n’a pas « semé quelques guillotines » sur sa route, — comme le lui fait dire Feller, dans la Biographie, universelle, — il n’en a pas moins appliqué à outrance les pires lois révolutionnaires : il pressentait qu’il allait être sacrifié avec Danton à la haine de Robespierre et de Saint-Just. Mallet du Pan notait dans un rapport qu’Hérault « marchait sur la lame d’un rasoir. » Le suspect cherchait en vain des consolations auprès de sa belle amie, Mme de Morency, qu’il emmenait souper à Chaillot, « dans un petit pavillon nommé l’Amitié. » Mais il ne réussissait pas à lui cacher ses alarmes : « C’est plutôt pour se tuer, écrivait-elle, qu’il prend du plaisir à l’excès que pour se rendre heureux. » Le 16 mars 1794, le « ci-devant noble » Hérault de Séchelles retrouvait à la prison du Luxembourg la bonne compagnie qu’il avait désertée. Notre historien constate avec satisfaction que l’on fit au cousin de la duchesse de Polignac « la réception de l’enfant prodigue. » Le 2 avril, il comparut devant le tribunal où il rappela en pure perte les services qu’il avait rendus à la nation. Trois jours après, il monta dans la même charrette que Danton et Fabre