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les anses de tous nos paniers, de majorer cruellement les prix.

Ah ! ah ! je veux dire à ma sœur que je crois voir poindre, aux côtés est et ouest de mon visage, des favoris ! Qu’elle ne me complimente pas trop, ces favoris naissans manifestent une tendance au blond roux ! gare à moi, quand elle me verra ainsi ! Est-ce le voisinage de nos alliés qui leur donne ces tons chauds ? ne me prenez pas pour un fils d’Albion, je vous en prie ; néanmoins ceux qui sont ici sont fort bien sous tous les rapports.


« — A quoi pense-t-il ? s’écria mon père. Il va se battre et nous conte des balivernes. — J’en suis enchantée, reprit ma mère, cela prouve la liberté, l’élasticité de son esprit. Il me plaît ainsi. »


Mes chers aimés, nous approchons du moment où les affaires graves vont commencer. Le 25 juillet, après avoir embarqué, nous rejoindrons la flotte anglaise qui se trouve à vingt heures d’ici, et alors nous irons tous ensemble débarquer sur un point que personne autre que l’amiral et le général ne connaît.

Toujours est-il qu’on ne pourra débarquer au Peï-ho, car avant d’arriver au fort, il faudrait marcher pendant trois milles dans une vase où l’on risquerait d’enfoncer jusqu’à la tête.

On a reformé les compagnies de débarquement. La marine française fournira un bataillon composé de six compagnies.

Ce bataillon de marine est attaché à la deuxième brigade commandée par le général Collineau. Je fais partie d’une des compagnies et les hommes qui la composent appartenaient à la Némésis, depuis longtemps dans les mers de Cochinchine. C’est pour moi un grand avantage, car les autres compagnies n’ont pas encore vu le feu. Quelle joie d’y conduire ces hommes aguerris, résistans, tous braves !

Il est temps que je prenne contact avec l’ennemi. Ne vous alarmez pas à l’avance. Je prie Dieu, non d’écarter de moi tout danger, mais de faire briller en vous l’espérance qui est en moi.

Lorsque le service n’exige rien, je trouve le temps long. Ah ! noble Shakspeare, comme tu savais lire dans notre esprit en écrivant : The soûls joy in doing.


Cette guerre, — ajoutait M. de K…, — est le mystère de l’avenir. Quand et comment finira-t-elle ? Assurément la paix nous coûtera cher.