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Les sociétés savantes qui, dans chaque province de Belgique, cultivent avec attrait les souvenirs d’un autre âge, bénéficièrent à leur tour de ces doctes innovations : les opuscules qu’elles mirent sous presse devinrent plus conformes à ce qu’exige, aujourd’hui, une sévère méthode ; sur l’appel de M. Godefroid Kurth, elles songèrent à recueillir les vieilles chansons, les archaïques légendes, les vestiges d’usages et de traditions populaires, et devinrent ainsi des centres pour l’étude du folklore, cet inestimable appoint des humbles à l’édifice de l’histoire sociale[1].

Le couronnement de ce progrès fut la fondation par M. Godefroid Kurth, en l’année 1899, des Archives liégeoises, qui sont, en Belgique, la première revue critique s’occupant du passé de la nation : il était naturel que l’érudit qui, vingt-cinq ans auparavant, avait ouvert pour quelques étudians privilégiés un laboratoire d’histoire, parachevât son œuvre en critiquant, mois par mois, les publications des historiens.

Mais à mesure que se développait, dans l’enseignement et dans les sociétés provinciales, ce labeur patient et prolongé, il convenait qu’une sanction officielle y fût offerte. Les universités commencèrent d’attacher plus d’importance et d’accorder une part plus large à des travaux qu’autrefois aucun diplôme notable ne récompensait : un doctorat en sciences historiques fut institué. Le crédit de l’histoire, relevé par M. Godefroid Kurth, était consacré par l’État belge.


II

Certains professeurs, et non des moindres, dédaignant, ou peu s’en faut, d’être eux-mêmes auteurs, mettent tous leurs soins à former des disciples dont les livres leur seront légitimement dédiés : il suffit à leur joie, noble et sereine, de faire souche d’une famille d’esprits qui se commettront, eux, avec le

  1. Kurth, Le folk-lore et les sciences historiques, p. 4 et suiv. (Bruges, De Plancke, 1888). Autant M. Kurth, pour ce genre de recherches, témoigne de confiance aux Sociétés savantes, autant il se défie des maîtres d’école. « Par la nature des fonctions qu’il est appelé à remplir, explique-t-il très finement (p. 13), le maître d’école est en quelque sorte l’ennemi des traditions populaires. Il y a une espèce d’hostilité entre lui et elles, parce qu’il les considère comme l’expression d’un état social antérieur qu’il est en train de faire disparaître, lui, dans son village. »