généralement que le Pape, dont la parole eût fait loi, dont plusieurs sollicitaient la décision, se prononçât dans le sens de la promesse. Ils s’affligeaient du silence de Rome, mais Rome pouvait-elle recommander, imposer la soumission, sans avoir obtenu de l’Etat un acte portant garantie des droits religieux[1] ? En attendant, les prêtres de paix ne prévalaient que partiellement sur les prêtres de combat. La masse des intransigeans demeurait considérable ; dans certains départemens, elle formait la presque-totalité du clergé ; en régions entières, elle maintenait à la religion nationale le caractère d’un culte d’opposition, et cette grosse portion du clergé, parce qu’elle apparaissait immaculée, restait la plus populaire, la plus vénérée[2].
De plus, la soumission au fait consulaire, à supposer qu’elle pût jamais s’étendre à la plupart des prêtres, n’impliquerait nullement de leur part adhésion à certains principes constitutifs de l’ordre nouveau, à certains faits qui lui étaient consubstantiels, à ceux dont la reconnaissance opérerait seule la pacification des esprits. Parmi les prêtres promissaires, quelques-uns pouvaient bien s’incliner devant Bonaparte, célébrer le Consul libérateur, louer et même exagérer ses bienfaits ; à tous, il était interdit de rassurer la conscience des acquéreurs de biens d’Église, de reconnaître le transfert de propriété opéré par la Révolution, de reconnaître les décrets prescripteurs des évêques, d’admettre le mariage comme contrat civil, d’admettre les lois de l’Etat en ce qu’elles avaient de contraire à la discipline ecclésiastique, parce que sur tous ces points Rome n’avait pas transigé. L’Église suppliciée pendant la Révolution pouvait bien, à l’exemple de son divin fondateur, pardonner à ses bourreaux ; sans l’aveu de son chef visible, il lui était impossible en conscience d’absoudre et de légitimer les usurpations révolutionnaires.
- ↑ En 1796, le pape Pie VI s’était montré disposé à entrer en accommodement avec le Directoire au sujet des affaires religieuses. Il avait même émis un bref exhortant les catholiques de France à la soumission aux autorités constituées, mais il avait suspendu la publicité de ce bref et l’avait comme laissé tomber devant les exigences ineptes du Directoire, qui prétendait lui faire rétracter toutes ses censures antérieures contre les atteintes portées à la constitution et à la discipline de l’Église. Voyez Du Teil, Rome, Naples et le Directoire, passim. En 1800, le pape Pie VII, qui se prêterait au Concordat, désapprouvait au fond la promesse, sans se prononcer ouvertement. Voyez Boulay de la Meurthe, Documens sur la négociation du Concordat, I, 140.
- ↑ Voyez spécialement Aulard, l’État de la France en l’an VIII et en l’an IX, dernière partie.