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fidèles. Ils sont tranquilles et obéissent aux lois. Ils ne peuvent haïr le gouvernement qui les laisse exercer librement leur culte... Ils inquiètent la conscience des acquéreurs. »

La situation de ce clergé restait matériellement très précaire : « Nous ne mourons pas de faim, voilà tout, » écrivait un de ses membres[1]. Le bruit courait que dans certains cantons de l’Ouest les paysans s’étaient remis d’eux-mêmes à payer la dîme ; ce ne pouvait être qu’une rare exception. En général, le peuple veut la religion et ne veut pas la payer ; c’est ce que Rœderer dira plus tard des paysans de Normandie, après enquête sur les lieux : « ils ont voulu avec ardeur leur messe et leur sermon le dimanche, comme du passé, mais payer est autre chose[2]. » Les cotisations des fidèles, les quêtes, les collectes subviennent avec peine aux frais du culte et à l’entretien de ses ministres. Les inconvéniens de cette situation frappent tellement certains préfets de l’Ouest qu’ils proposent de distribuer des secours aux prêtres ; d’autres, pour tourner la prohibition légale, proposent de les nommer instituteurs, ce qui permettrait de les salarier en cette qualité. Il est certain que les prêtres catholiques, s’ils s’accommodaient du présent, ne se sentaient nullement assurés de l’avenir. Quant aux constitutionnels, pasteurs délaissés, bergers sans troupeau, ils vivent dans le dénuement et se jugent mal récompensés de leur zèle patriotique. Ils en viennent à désirer un rapprochement avec les catholiques, mais ils comprennent l’impossibilité de l’opérer par fusion spontanée et en dehors d’une intervention romaine. Fait remarquable : c’est dans l’Ouest, redevenu pays de liberté religieuse, qu’après Marengo des voix s’élèvent pour suggérer au Consul l’idée qui lui est venue spontanément, pour demander une négociation avec Rome ; on la demande comme moyen de pacification et non de restauration religieuse, puisqu’en fait le culte se rétablit. Les délégués des Côtes-du-Nord à la fête nationale du 1er vendémiaire écrivent dans un mémoire adressé au gouvernement : « Un schisme prétendu divise le clergé de France, et le peuple a malheureusement pris une part souvent trop active dans ses divisions. Serait-il impossible de déterminer le Pape à intervenir pour rallier tous les partis ? Le désir de voir l’union rétablie nous abuse peut-être, mais nous osons nous flatter qu’une négociation

  1. Lettre citée par M. Séché, II, 212.
  2. T. III, p. 475.