Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 37.djvu/557

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
AU TEMPS PASSÉ

UN COIN DE LA SOCIÉTÉ PARISIENNE
SOUS LE SECOND EMPIRE

Je n’ai pas du tout connu le monde impérial, je n’ai reçu aucune invitation ni pour les Tuileries, ni pour Compiègne. Je ne dirai donc rien d’une Cour où je n’ai jamais pénétré. Mais quoique ce fût à coup sûr la partie la plus en vue et la plus éclatante de Paris, elle n’absorbait pas, elle ne méritait pas d’absorber toute l’attention publique. Des symptômes de vie très intéressans se manifestaient dans des régions plus modestes. On y menait moins de tapage, mais on y remuait plus d’idées. Chargé à la Sorbonne d’un enseignement très lourd, passant en revue devant mes auditeurs toutes les littératures de l’Europe, celles du Midi aussi bien que celles du Nord, je n’avais guère le temps de m’occuper de politique. Je respirais néanmoins tout autour de moi une atmosphère d’opposition. L’Université, composée en général de très honnêtes gens et d’esprits indépendans, humiliée d’ailleurs par le tour que ses adversaires avaient donné à la loi de 1850 plus que par la loi elle-même, éprouvait peu de sympathie pour l’Empire. Beaucoup de ses membres avaient donné leur démission au coup d’État. Ceux qui restaient dans le rang témoignaient pour le régime une froideur presque générale. L’illégalité et les violences du début laissaient dans leur mémoire un souvenir fâcheux, une impression qui cadrait mal avec la loyauté habituelle de leur manière de penser et les scrupules de leur conscience.