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Hormis ce tableau et le portrait du roi Sigismond de Pologne, représenté en compagnie de Charlemagne (1512), pour lequel il reçut 2 123 francs, Albert Dürer, avec son pinceau ou son crayon, ne gagna que des sommes très minimes. Il nous donne le détail de ses recettes dans le journal de son voyage aux Pays-Bas, effectué, non pas au temps de sa jeunesse lorsqu’il regardait encore, ainsi que les autres « maîtres, » son art comme un métier, mais lorsqu’il était, sept ans avant sa mort (1521), en pleine possession de la renommée.

Ses travaux les plus lucratifs furent alors un portrait à l’huile du roi de Danemark, exécuté à Bruxelles pour 750 francs, celui du receveur Sterk, « très bien soigné et d’une valeur de [625 francs], dit A. Dürer. Il me donne [500 francs], « preuve que souvent il n’y avait pas de prix fait d’avance. « Je fais le portrait à l’huile de Bernard de Reszew, il me le paye [200 francs] et donne de plus [35 francs] à ma femme et [23 francs] à Suzanne, ma servante. » Il échange parfois ses œuvres contre diverses marchandises : « J’ai peint à l’huile une bonne figure de Véronique, nous dit-il ; ce tableau vaut [300 francs]. » Un peu plus tard, il nous dit avoir fait présent de sa Véronique et d’un Adam et Eve peint par Franz, pour deux pierres précieuses valant ensemble 350 francs. Ce furent là ses meilleures affaires.

Ses autres productions ne dépassent pas 50 ou 60 francs, — telle une Vierge peinte sur toile, ou les portraits du grand Antoine Haulnott et de Maître A. Brann avec sa femme. Le prix presque uniforme de ses dessins, de ses portraits au charbon, est de 25 francs. lia pour cliens des gens de toute condition et de toute nation ; aux nonnes de Cologne il fait des concessions et exécute des portraits pour 7 francs. « Je fais çà et là, consigne-t-il dans son journal, beaucoup de dessins et d’autres choses à la convenance des personnes que je vois. Mais la plupart du temps, mon travail ne m’est pas payé... En Flandres, dans toutes mes transactions, dans toutes mes ventes, j’ai été lésé ; spécialement par Madame Marguerite, sœur du roi Charles (Charles-Quint), qui ne m’a rien donné pour les présens que je lui ai faits. » Le principal de ces présens consistait en deux dessins sur parchemin, que Dürer évaluait 750 francs ; et les chiffres auxquels Dürer apprécie ses œuvres ne sont généralement pas au-dessous de ce qu’il les vend.

Ce que recherchait le public de ce temps, ce qu’il achetait,