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public s’en est pris. Les journaux signalaient, il y a quelques semaines, l’entrée en fraude, sous les yeux, fermés par ordre supérieur, des douaniers hongrois, de plusieurs centaines de têtes de bétail serbe. Nous sommes loin aujourd’hui, on le voit, du ton et des exigences des notes autrichiennes de l’été dernier ; un ministre des Affaires étrangères a donné sa démission, et l’on peut prévoir qu’un accord interviendra entre les deux gouvernemens.

Ainsi, l’expérience est faite et elle a été, somme toute, favorable à la Serbie et à son gouvernement qui redoutaient une crise plus grave et qui n’osaient pas espérer sortir à si bon compte d’une épreuve si redoutable. Le ministère et le parti des vieux radicaux en ont été renforcés ; les « jeunes radicaux » ont violemment attaqué le cabinet sur sa politique financière et sur la question des canons ; mais ils se disent, eux aussi, partisans, d’une politique indépendante en face de l’Autriche-Hongrie. Seuls les « libéraux[1], » qui suivent M. Veljkovitch, ont fait entendre une note austrophile : sans doute, à leurs yeux, il serait souhaitable que la Serbie fût réellement en état de s’affranchir de la tutelle autrichienne, mais ils en ment la possibilité pratique ; il leur semble que les débouchés nouveaux, trop éloignés, ne sauraient, en aucun cas, remplacer le marché autrichien et hongrois ; ils insistent sur les difficultés du transport pour le bétail vivant, sur les frais que le gouvernement a dû faire pour conjurer artificiellement les effets de la mévente des porcs ; ils montrent le caractère provisoire et incertain des relations commerciales avec un pays aussi éloigné que la France, et ils concluent à la nécessité absolue d’une entente avec Vienne pour la conclusion d’un traité de commerce.

L’événement n’a pas donné raison à ces résignés et nul doute qu’eux-mêmes ne soient les premiers à s’en réjouir. L’expérience de 1906 a rendu aux Serbes le grand service de leur donner confiance en eux-mêmes, de les obliger à chercher des débouchés nouveaux pour leur commerce et des amitiés nouvelles pour leur politique ; ils ont eu l’occasion de s’apercevoir que les sympathies ne leur manqueraient pas, et ils ont pu

  1. On se tromperait complètement si l’on attribuait à ces dénominations un sens analogue à celui qu’elles ont en France. La répartition numérique des partis à la Skoupchtina est celle-ci : radicaux 90, jeunes radicaux 48, libéraux 18, progressistes 3, socialiste 1.