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ainsi le commencement d’une ère nouvelle, où le petit royaume, tout en gardant son indépendance pleine et effective, sera réconcilié avec le grand empire, et où les Slaves du Sud qui, dans le dualisme austro-hongrois, n’étaient rien, deviendront enfin quelque chose.


VI

Quoi qu’il en puisse résulter pour leurs propres intérêts, il faut bien que les grandes puissances en prennent leur parti : la politique balkanique, ce sont de plus en plus les États balkaniques qui la feront, à leurs risques et périls peut-être, mais aussi à leur profit. Ces nationalités, que l’Europe a réveillées sans les affranchir complètement, ne veulent plus, ne peuvent plus aujourd’hui servir de simple monnaie d’appoint dans les conventions entre les grandes puissances ; elles réclament leur droit à une existence autonome, à l’abri des combinaisons ambitieuses de leurs voisins. La Roumanie et la Bulgarie ont pu, non sans peine, faire accepter cette vérité à Saint-Pétersbourg ; la Serbie à son tour cherche à la faire agréer à Vienne et à Budapest. Et c’est, semble-t-il, la première leçon que l’Europe puisse tirer du conflit qui vient de mettre aux prises un petit État danubien et balkanique avec l’Empire des Habsbourg. Mais il en est une seconde qui est comme la contre-partie de la première.

Les petits États orientaux, qui aspirent à ne relever que d’eux-mêmes et à résoudre par leurs propres forces les questions qui les intéressent, devront aussi ne compter que sur eux-mêmes, et comme ni leur population, ni leurs armées ne sont assez nombreuses pour leur permettre de tenir tête isolément à l’agression d’une grande puissance, fût-ce même de la Turquie, il leur faudra de toute nécessité arriver à une entente entre eux. Ils n’y ont pas réussi jusqu’à présent ; il est vrai que parfois les grandes puissances se sont ingéniées à accroître les malentendus et à envenimer les jalousies. L’Autriche, depuis surtout qu’elle est en conflit avec la Serbie, prodigue à la Bulgarie les procédés les plus amicaux ; c’est ainsi que le baron d’Æhrenthal vient d’accorder au gouvernement de Sofia l’abolition des Capitulations auxquelles l’Autriche seule n’avait pas encore consenti à renoncer. C’est un brillant succès pour M. Stancioff, le nouveau