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de l’hébreu, arrêté dans son écriture par les rabbins lors de la rédaction présente de la Bible, et précisé en inscrivant les voyelles, autrefois absentes, au-dessous des consonnes radicales, cela postérieurement à l’époque où l’hébreu était parlé par une nation groupée autour de Jérusalem ; — à l’exception de ces langues fixées sous des influences sacerdotales, on n’avait guère tenté d’assujettir l’orthographe d’une langue vivante à des règles absolues, par voie de réglementation systématique, délibérées dans des commissions, et imposées à l’ensemble des écrivains, littérateurs et savans.

L’origine de ces prétentions remonte à la constitution de l’Université impériale, au début du XIXe siècle. Elle repose sur une notion exagérée du rôle de l’Etat en pareille matière.

La langue, en effet, sous sa double forme écrite et parlée, n’est pas une propriété appartenant à un petit nombre de grammairiens et de professeurs : c’est une œuvre collective et héréditaire, partie intégrante de la vie individuelle de chacun des citoyens. En la modifiant a priori et artificiellement, on touche à nos coutumes, à nos habitudes, à notre conception à la fois logique, morale et esthétique des choses, déterminée par notre constitution physique et par notre éducation antérieure.

Non sans doute que ce soit là un motif suffisant pour maintenir, dans un esprit étroitement conservateur, les lacunes, défauts et imperfections reconnus de la langue usuelle, quels qu’ils soient.

Certes, elle continuera à varier dans l’avenir, comme elle a varié dans le passé ; ceux qui la parlent et l’écrivent doivent être dociles aux indications de l’opinion, qu’ils concourent d’ailleurs à déterminer par leur action personnelle.

Mais il importe de ne pas faire intervenir ici la contrainte du bras séculier. Tout ce qu’il est permis de faire administrativement, c’est au contraire d’écarter les obstacles que les règlemens scolaires pourraient opposer à la liberté de cette évolution vitale.

C’est à ce point de vue que je me propose d’examiner les projets de réforme de l’orthographe, c’est-à-dire de la langue écrite, projets mis en avant depuis longtemps, mais particulièrement agités au cours de ces dernières années.

Je n’ai pas l’intention d’entrer dans toutes les discussions spéciales, soulevées par les philologues ou grammairiens, pour la science de quelques-uns desquels je professe une estime particulière.