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ce frisson de la création entière, animée du souffle divin ! A l’entendre commenter la parole de saint Paul, In ipso vivimus, movemur, et sumus, il semble parfois qu’un souffle panthéistique le saisit et qu’il précipite le monde vers l’Infini parce que déjà il le sent en lui ; mais ce serait mal le connaître. Sans doute, il ne veut pas d’un évolutionnisme uniquement dirigé par des forces externes ; il a consacré de longues pages à démontrer que le transformisme ne pouvait se suffire à lui-même, sans l’aide d’une cause interne, et que, sans cette cause, la sélection naturelle n’était qu’un mécanisme inerte ; ces démonstrations sont même le pivot de son système de conciliation entre le dogme catholique et la théorie darwinienne ; mais il ne répugne pas moins à sa pensée de voir dans cette cause interne Dieu lui-même, puisque aussi bien le progrès de la créature n’a de raison d’être que son ascension vers le Créateur. Dieu est intelligence et volonté. Il a créé le monde et il a mis en lui une force vivante ; cette force tend vers Celui dont elle est issue ; elle est obscurément à son image, et à mesure qu’elle se rapproche de Lui, elle en reproduit les traits avec plus de fidélité. Ainsi croissent dans le monde, à mesure que passent les âges, le Bien, la Vérité et la Beauté.

L’inorganique est devenu organique ; l’organique s’est organisé ; la vie est apparue, puis l’instinct, et enfin l’intelligence. Quand la matière fut assez raffinée et assez souple, l’âme lui fut donnée, et pour la première fois sur terre on vit vraiment l’image même de Dieu ! Il avait créé ; ses lois avaient agi ; désormais l’homme était appelé à coopérera l’œuvre de la divinité. Voilà, en ses grandes lignes, le système philosophique de Fogazzaro. Il ne lui a pas suffi d’en apercevoir pour lui-même l’harmonie possible avec sa religion. Son âme d’apôtre se tourmentait que d’autres âmes pussent se détourner de la religion vers la science ou, restant fidèles à la religion, fermassent les yeux à l’évidence des vérités scientifiques. Peut-être, à un point de vue purement philosophique, aurait-il pu se contenter de reposer sa conscience sur le caractère décidément hypothétique de la science naturelle ; mais il lui suffit que des esprits puissent être troublés pour vouloir leur donner de la lumière. Il a donc tenu à prouver que l’on pouvait être en même temps catholique et évolutionniste. Il l’a fait principalement en trois discours où il recherche l’opinion des Pères et des écrivains catholiques et où